L’éducation est la pierre angulaire du développement dans une société, elle conditionne tous les autres secteurs et permet aux enfants d’une nation d’avoir la possibilité de devenir participants actifs de la transformation de cette société là.
Pour rappeler l’importance de l’éducation, l’Unesco a proclamé le 5 octobre Journée mondiale des enseignants en 1994. L’organisation considère que l'éducation est un droit humain pour tous, tout au long de la vie, et que l'accès à l’éducation va de pair avec la qualité.
Dans le monde, l’Unesco constate une pénurie d’enseignants bien formés. En effet, selon l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU), 25,8 millions d’enseignants supplémentaires seront nécessaires pour atteindre l’éducation primaire universelle d’ici à 2030.
Quel statut pour l’enseignant tunisien ?
Moncef Ouanes, professeur et chercheur en sociologie à l’Université de Tunis explique au Huffpost Tunisie que l’enseignant a été le pilier de l’école tunisienne. C’est lui qui a assuré l’éducation de plusieurs milliers de Tunisiens.
Il a assumé la responsabilité d’assurer l’enseignement dans les régions défavorisées et les hameaux enclavés de Tunisie en participant à la diffusion de l’école tunisienne, enregistrant une participation de taille dans les années 50 et 60.
Selon lui, à cette époque, l’école constituait une source fondamentale de la légitimité du régime politique. C’est à partir des années 1975 et 1976 que les conditions de vie de l’enseignant ont commencé à se dégrader.
"Après tant de sacrifices et tant d’efforts pour le rayonnement de l’école tunisienne, l’enseignant tunisien n’est plus ce qu’il était autre fois. Il a perdu toute sa valeur" confie le sociologue.
"De nos jours, enseigner n’est plus un métier noble en Tunisie" ajoute-t-il.
D.Snoussi, professeur d'arabe au Lycée Khlidia à Ben Arous, depuis 15 ans a partagé son expérience au Huffpost Tunisie:
La rupture des 90
Selon le sociologue, il n’y a pas lieu de comparer les valeurs sociales de l’enseignant des années 1950 et celles des années 1990.
"A partir des années 1990, nous avons assisté à une régression de la valeur symbolique de l’enseignant qui ne bénéficie presque plus du respect" indique-t-il.
Selon lui, cette rupture est due au fait que l’école tunisienne n’est plus une source de mobilité sociale. Elle ne joue plus le rôle d’ascenseur social aux yeux des jeunes et des enfants qui ont constaté que d’autres métiers permettent une meilleure ascension sociale que l’enseignement.
La révolution n’a rien changé
Interrogé sur l’impact de la révolution sur le rôle de l’enseignant tunisien, Moncef Ouanes a répondu: "Je suis moi-même enseignant universitaire et je n’ai remarqué aucune amélioration du statut depuis la révolution".
Selon lui, la révolution a seulement permis la multiplication des grèves pour l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions sociales des enseignants. Seulement, il considère qu’il ne s’agit pas d’un problème de salaires mais d’inflation qu'il faut stopper.
Les cours particuliers à la rescousse
"Il serait plus judicieux d’endiguer l’inflation que d’augmenter les salaires pour les enseignants" précise-t-il.
Le spécialiste voit le fléau des cours particuliers comme une façon pour les enseignants de protester contre les salaires "médiocres".
"Le phénomène a toujours existé mais est devenu viral depuis la moitié des années 1990. Vu la cherté de la vie, les enseignants n’ont d’autres choix que de se tourner vers les cours de soutien pour arrondir leur fins de mois" dit-il.
Et à l'enseignante d'ajouter:
Secteur public ou privé: Quelle différence?
Selon lui, les enseignants du secteur public sont plus protégés que leurs homologues du secteur privé. En effet, les enseignants du secteur public sont plus avantagés, avec, pour leur compte, une structure syndicale pour les défendre et assurer leur stabilité.
"Les enseignants du secteur privé sont au contraire, vulnérables et exposés aux aléas professionnels. Chaque absence est sanctionnée pour eux, par une retenue au niveau des salaires" précise-t-il.
Cependant, il faut dire que les parents tunisiens préfèrent, quand ils ont les moyens, d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées qui font appel à des compétences provisoires s’avérant être souvent des retraités, d’anciens directeurs d’école et témoignent donc d’une grande expérience.
"Il y a là un véritable paradoxe quand le privé profite de l’expérience du public mais ne protège pas ses enseignants " confie-t-il.
Même le prestige n’y est plus
Selon le spécialiste, la profession d’enseignant a perdu son prestige depuis que les jeunes vont à l’école pour obtenir un diplôme seulement et non pour la formation. L’enseignant est perçu comme un simple agent, dont la mission noble qu’il a à faire, ne compte plus.
Il fait porter la responsabilité de cette répression du prestige à "tout le monde" soit la société civile, les syndicats, l’UGTT et les ministères de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation. "Il faut incriminer toute la société" dit-il.
Il a considéré que l’UGTT, cette entité syndicale forte historiquement et géographiquement, n’a pas joué son rôle pour empêcher cette régression du statut de l’enseignant.
Pour conclure, D.Snoussi a estimé qu' "autrefois, l'enseignement était un métier de prestige en Tunisie mais hélas il ne l'est plus. Il a besoin d'un salaire qui reflète ses efforts et de retrouver sa dignité" et d'ajouter: "les élèves ne respectent plus les professeurs et quelques parents en font de même, il a besoin de retrouver son prestige qui passe avant son salaire"
Il est à noter que l'Unesco a fêté la journée mondiale des'enseignants sous le thème : "Valoriser les enseignants, améliorer leur statut ", qui englobe les principes fondamentaux de la Recommandation adoptée il y a 50 ans tout en mettant en lumière la nécessité de soutenir les enseignants comme le prévoient les Objectifs de développement durable (ODD). Un objectif spécifique sur l’éducation, l’ODD 4, vise à "assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie" selon l'Unesco.
Pour rappeler l’importance de l’éducation, l’Unesco a proclamé le 5 octobre Journée mondiale des enseignants en 1994. L’organisation considère que l'éducation est un droit humain pour tous, tout au long de la vie, et que l'accès à l’éducation va de pair avec la qualité.
Dans le monde, l’Unesco constate une pénurie d’enseignants bien formés. En effet, selon l’Institut de statistique de l’UNESCO (ISU), 25,8 millions d’enseignants supplémentaires seront nécessaires pour atteindre l’éducation primaire universelle d’ici à 2030.
Quel statut pour l’enseignant tunisien ?
Moncef Ouanes, professeur et chercheur en sociologie à l’Université de Tunis explique au Huffpost Tunisie que l’enseignant a été le pilier de l’école tunisienne. C’est lui qui a assuré l’éducation de plusieurs milliers de Tunisiens.
Il a assumé la responsabilité d’assurer l’enseignement dans les régions défavorisées et les hameaux enclavés de Tunisie en participant à la diffusion de l’école tunisienne, enregistrant une participation de taille dans les années 50 et 60.
Selon lui, à cette époque, l’école constituait une source fondamentale de la légitimité du régime politique. C’est à partir des années 1975 et 1976 que les conditions de vie de l’enseignant ont commencé à se dégrader.
"Après tant de sacrifices et tant d’efforts pour le rayonnement de l’école tunisienne, l’enseignant tunisien n’est plus ce qu’il était autre fois. Il a perdu toute sa valeur" confie le sociologue.
"De nos jours, enseigner n’est plus un métier noble en Tunisie" ajoute-t-il.
D.Snoussi, professeur d'arabe au Lycée Khlidia à Ben Arous, depuis 15 ans a partagé son expérience au Huffpost Tunisie:
"L'enseignement est un métier difficile et la situation de l'enseignant tunisien est très délicate. Il finit ses études à 25 ans, à peine il commence à travailler, il sombre dans les crédits pour se marier, pour acheter une maison, avec son faible salaire, ce n'est pas chose aisée" déclare Snoussi.
La rupture des 90
Selon le sociologue, il n’y a pas lieu de comparer les valeurs sociales de l’enseignant des années 1950 et celles des années 1990.
"A partir des années 1990, nous avons assisté à une régression de la valeur symbolique de l’enseignant qui ne bénéficie presque plus du respect" indique-t-il.
Selon lui, cette rupture est due au fait que l’école tunisienne n’est plus une source de mobilité sociale. Elle ne joue plus le rôle d’ascenseur social aux yeux des jeunes et des enfants qui ont constaté que d’autres métiers permettent une meilleure ascension sociale que l’enseignement.
La révolution n’a rien changé
Interrogé sur l’impact de la révolution sur le rôle de l’enseignant tunisien, Moncef Ouanes a répondu: "Je suis moi-même enseignant universitaire et je n’ai remarqué aucune amélioration du statut depuis la révolution".
Selon lui, la révolution a seulement permis la multiplication des grèves pour l’augmentation des salaires et l’amélioration des conditions sociales des enseignants. Seulement, il considère qu’il ne s’agit pas d’un problème de salaires mais d’inflation qu'il faut stopper.
Les cours particuliers à la rescousse
"Il serait plus judicieux d’endiguer l’inflation que d’augmenter les salaires pour les enseignants" précise-t-il.
Le spécialiste voit le fléau des cours particuliers comme une façon pour les enseignants de protester contre les salaires "médiocres".
"Le phénomène a toujours existé mais est devenu viral depuis la moitié des années 1990. Vu la cherté de la vie, les enseignants n’ont d’autres choix que de se tourner vers les cours de soutien pour arrondir leur fins de mois" dit-il.
Et à l'enseignante d'ajouter:
"J'ai des collègues qui n'arrivent même pas arrondir leurs fin de mois très difficiles. Il souffrent et préfèrent avoir recours aux cours particuliers. Personnellement je suis contre les cours de soutien, moi je me donne à fond en classe, j'explique et réexplique aux élèves mais je comprends les professeurs et les parents qui dans certains cas, n'ont pas d'autres choix"
Secteur public ou privé: Quelle différence?
Selon lui, les enseignants du secteur public sont plus protégés que leurs homologues du secteur privé. En effet, les enseignants du secteur public sont plus avantagés, avec, pour leur compte, une structure syndicale pour les défendre et assurer leur stabilité.
"Les enseignants du secteur privé sont au contraire, vulnérables et exposés aux aléas professionnels. Chaque absence est sanctionnée pour eux, par une retenue au niveau des salaires" précise-t-il.
Cependant, il faut dire que les parents tunisiens préfèrent, quand ils ont les moyens, d’inscrire leurs enfants dans des écoles privées qui font appel à des compétences provisoires s’avérant être souvent des retraités, d’anciens directeurs d’école et témoignent donc d’une grande expérience.
"Il y a là un véritable paradoxe quand le privé profite de l’expérience du public mais ne protège pas ses enseignants " confie-t-il.
Même le prestige n’y est plus
Selon le spécialiste, la profession d’enseignant a perdu son prestige depuis que les jeunes vont à l’école pour obtenir un diplôme seulement et non pour la formation. L’enseignant est perçu comme un simple agent, dont la mission noble qu’il a à faire, ne compte plus.
Il fait porter la responsabilité de cette répression du prestige à "tout le monde" soit la société civile, les syndicats, l’UGTT et les ministères de l’Enseignement supérieur et de l’Éducation. "Il faut incriminer toute la société" dit-il.
Il a considéré que l’UGTT, cette entité syndicale forte historiquement et géographiquement, n’a pas joué son rôle pour empêcher cette régression du statut de l’enseignant.
Pour conclure, D.Snoussi a estimé qu' "autrefois, l'enseignement était un métier de prestige en Tunisie mais hélas il ne l'est plus. Il a besoin d'un salaire qui reflète ses efforts et de retrouver sa dignité" et d'ajouter: "les élèves ne respectent plus les professeurs et quelques parents en font de même, il a besoin de retrouver son prestige qui passe avant son salaire"
Il est à noter que l'Unesco a fêté la journée mondiale des'enseignants sous le thème : "Valoriser les enseignants, améliorer leur statut ", qui englobe les principes fondamentaux de la Recommandation adoptée il y a 50 ans tout en mettant en lumière la nécessité de soutenir les enseignants comme le prévoient les Objectifs de développement durable (ODD). Un objectif spécifique sur l’éducation, l’ODD 4, vise à "assurer l’accès de tous à une éducation de qualité, sur un pied d’égalité, et promouvoir les possibilités d’apprentissage tout au long de la vie" selon l'Unesco.
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