SOCIÉTÉ- Sacralisée et contournée par les Tunisiennes, sa vénération dépasse la femme, puis le couple, pour englober la société entière. La virginité est érigée en objet de dévotion chargé de valeurs dans une société qui monopolise tout ce qui a trait au féminin et à la sexualité en général. Ces dernières, désirées et appréhendées à la fois, évoluent dans le réel, préservant leurs apparentes solidité et homogénéité.
Y-a-il une évolution chez les hommes?
Chez l'homme aussi; entre la norme, l'évolution de la société, les contournements connus des femmes, le processus d'individualisation, certes timide mais tangible, les perceptions et les pratiques sont diverses. Une pluralité invisible, craintive mais palpable, du moins chez certaines catégories. Dans quels sens? les témoignages divergent.
Ahmed, 30 ans, ingénieur informatique, originaire de Tunis, résume la non-importance à ses yeux de la virginité par le souci de la compatibilité sexuelle: "Se marier avec une femme avec qui on n'a pas couché avant, c'est faire un saut dans le vide. On ne sait pas comment ça va être. Pour notre génération, la sexualité est importante mais plus encore la satisfaction sexuelle.
À entendre les récits des amis qui se sont mariés, qui déplorent la frigidité ou la froideur de leur femme, je me dis mieux vaut une femme déflorée qui me satisfait au lit qu'une femme vierge, incompatible que je dois garder en plus".
Un avis partagé par Ilyes, 27 ans juriste, originaire de Tunis: "En Tunisie, dans certains milieux, dits 'libéraux et progressistes', on affiche sa banalisation de la question de la virginité, mais j'estime que 10% sont vraiment sincères".
Houssem, 34 ans, professeur de philosophie, du nord-Ouest de la Tunisie, confirme la persistance de la sacralité qui entoure la virginité et qui est liée selon lui à la sacralité de la virilité de l'homme dans notre société: "Accepter une femme non vierge revient à piétiner sa propre virilité qui est conçue à partir de la capacité de l'homme à dominer la femme, son corps".
Houssem, quant à lui, ne dit pas se soucier de la virginité de sa future épouse mais à une condition: "Elle ne doit pas avoir couché avec la moitié du pays non plus ou ayant une telle réputation", lance-t-il.
Majd, 27 ans, estime toutefois que les hommes sont moins "dupes" par rapport à la virginité de leur épouse : "Il est impensable aujourd'hui qu'une femme n'ait pas eu de relations plus ou moins poussées avant le mariage, à moins de vivre en vase clos. Chose que les hommes n'apprécient pas en général, ils aiment la femme ouverte, sociable, active et il est difficile de trouver une avec ces qualités et sans expériences. Je dirai même que pour l'être, il faut avoir de l'expérience".
Le jeune homme est fiancé, entretient des rapports sexuels avec sa future épouse qui n'était pas vierge mais décrit un milieu familial hostile d'où sa discrétion: "Il est inconcevable pour eux de me voir épouser une femme non vierge, suivant les coutumes et la religion. Je respecte leur avis sans essayer de l'affronter ou de le changer. Ils ont leur vie, j'ai la mienne. Ce n'est pas ça qui ébranlera notre relation". Majd avoue pourtant que ceci aurait été plus difficile s'il habitait avec ses parents. Le jeune homme originaire de Gabès, travaille à Tunis.
Pour lui, beaucoup d'éléments l'ont poussé à emprunter une trajectoire différente de son milieu social comme ses fréquentations, sa formation académique, sa culture générale et ses expériences avec les filles: "J'ai appris qu'il est tellement rare de trouver la bonne personne avec qui on peut partager sa vie et que ce qui compte le plus c'est la valeur intrinsèque de la personne, là et maintenant, au-delà de son passé. D'ailleurs j'en ai un également alors pourquoi pas elle aussi".
L'homme, victime lui aussi de sa société?
L'homme est-il imperméable à toute évolution sur cette question? Est-il contraint de suivre le troupeau? Pour la sociologue Raoudha El Guédri, certes il y a une évolution vers une remise en cause de l'importance de la virginité mais "cette évolution est intimement variable suivant les régions, les statuts socioéconomiques, le niveau d’instruction, et de plus en plus, actuellement, suivant l’adoption de nouveau systèmes idéologiques et théologiques en distanciation par rapport aux canons traditionnels gérant la sphère de la sexualité."
Et d'ajouter que "la majorité des hommes ne cachent pas savoir que la quasi totalité des jeunes filles ont eu des expériences sexuelles, plus ou moins avancées. A cet effet, certains confirment dépasser cette norme désormais vieille, alors que d’autres s’attachent à garder cette exigence même comme une formalité, sachant que cette virginité ne peut être que factice, refaite par une chirurgie, l’hyménoplastie".
Il demeure néanmoins que cette question révèle une fragilité aussi bien de l'homme que de la femme; écrasés par la société et ayant une identité "problématique, incertaine et hésitante" qui englobe toutes les normes. La sociologue ajoute: "Notre société de l'incertitude généralisée, ne permet pas le développement de l'individualité créatrice de nouveaux sens, celle qui adopte l'éthique de l'homme moderne, libre et responsable", explique-t-elle.
Y-a-il une évolution chez les hommes?
Chez l'homme aussi; entre la norme, l'évolution de la société, les contournements connus des femmes, le processus d'individualisation, certes timide mais tangible, les perceptions et les pratiques sont diverses. Une pluralité invisible, craintive mais palpable, du moins chez certaines catégories. Dans quels sens? les témoignages divergent.
LIRE AUSSI: La virginité en Tunisie, sacralisée... mais contournée
Ahmed, 30 ans, ingénieur informatique, originaire de Tunis, résume la non-importance à ses yeux de la virginité par le souci de la compatibilité sexuelle: "Se marier avec une femme avec qui on n'a pas couché avant, c'est faire un saut dans le vide. On ne sait pas comment ça va être. Pour notre génération, la sexualité est importante mais plus encore la satisfaction sexuelle.
À entendre les récits des amis qui se sont mariés, qui déplorent la frigidité ou la froideur de leur femme, je me dis mieux vaut une femme déflorée qui me satisfait au lit qu'une femme vierge, incompatible que je dois garder en plus".
Un avis partagé par Ilyes, 27 ans juriste, originaire de Tunis: "En Tunisie, dans certains milieux, dits 'libéraux et progressistes', on affiche sa banalisation de la question de la virginité, mais j'estime que 10% sont vraiment sincères".
La puissance de la norme ne faiblit pas, estime Ahmed: "On a beau être ouvert, l'ouverture s'arrête sur le seuil de la virginité. Autres que ceux motivés par des convictions religieuses ou qui s'estimant atteints dans leur virilité par une épouse déflorée, il y a ceux qui se disent modernes, qui osent parfois briser le tabou en premier lieu mais dès qu'une dispute éclate avec leur partenaire, lui sortent sa non virginité comme une tare et son mariage avec elle comme une faveur, et je connais beaucoup ainsi".
Houssem, 34 ans, professeur de philosophie, du nord-Ouest de la Tunisie, confirme la persistance de la sacralité qui entoure la virginité et qui est liée selon lui à la sacralité de la virilité de l'homme dans notre société: "Accepter une femme non vierge revient à piétiner sa propre virilité qui est conçue à partir de la capacité de l'homme à dominer la femme, son corps".
À ce propos, Raoudha El Guédri, sociologue, ayant effectué une thèse sur les usages sociopolitiques du corps dans la Tunisie post-révolutionnaire (2011-2014) affirme au HuffPost Tunisie que "La virginité garde une place sociale importante pour les femmes parce qu’elle maintient sa valeur première pour les hommes. Pourquoi? Parce que le corps féminin a été historiquement considéré comme relevant d’une propriété masculine, patriarcale. Il y a chez l’homme une sorte d’identification de son honneur et de sa virilité à la chasteté féminine traduite par la virginité sexuelle.
Un des plus grands héritages des siècles de patriarcat est la suprématie masculine et l’attachement de l’homme à ses privilèges reliés à ce système, parmi lesquels le fait d’être premier dans la vie sexuelle de sa femme, afin de garantir sa domination sur son corps et de se rassurer sur ses compétences sexuelles non compromises par d’éventuelles comparaisons avec d’antécédentes aventures charnelles".
Houssem, quant à lui, ne dit pas se soucier de la virginité de sa future épouse mais à une condition: "Elle ne doit pas avoir couché avec la moitié du pays non plus ou ayant une telle réputation", lance-t-il.
Majd, 27 ans, estime toutefois que les hommes sont moins "dupes" par rapport à la virginité de leur épouse : "Il est impensable aujourd'hui qu'une femme n'ait pas eu de relations plus ou moins poussées avant le mariage, à moins de vivre en vase clos. Chose que les hommes n'apprécient pas en général, ils aiment la femme ouverte, sociable, active et il est difficile de trouver une avec ces qualités et sans expériences. Je dirai même que pour l'être, il faut avoir de l'expérience".
Le jeune homme est fiancé, entretient des rapports sexuels avec sa future épouse qui n'était pas vierge mais décrit un milieu familial hostile d'où sa discrétion: "Il est inconcevable pour eux de me voir épouser une femme non vierge, suivant les coutumes et la religion. Je respecte leur avis sans essayer de l'affronter ou de le changer. Ils ont leur vie, j'ai la mienne. Ce n'est pas ça qui ébranlera notre relation". Majd avoue pourtant que ceci aurait été plus difficile s'il habitait avec ses parents. Le jeune homme originaire de Gabès, travaille à Tunis.
Pour lui, beaucoup d'éléments l'ont poussé à emprunter une trajectoire différente de son milieu social comme ses fréquentations, sa formation académique, sa culture générale et ses expériences avec les filles: "J'ai appris qu'il est tellement rare de trouver la bonne personne avec qui on peut partager sa vie et que ce qui compte le plus c'est la valeur intrinsèque de la personne, là et maintenant, au-delà de son passé. D'ailleurs j'en ai un également alors pourquoi pas elle aussi".
L'homme, victime lui aussi de sa société?
L'homme est-il imperméable à toute évolution sur cette question? Est-il contraint de suivre le troupeau? Pour la sociologue Raoudha El Guédri, certes il y a une évolution vers une remise en cause de l'importance de la virginité mais "cette évolution est intimement variable suivant les régions, les statuts socioéconomiques, le niveau d’instruction, et de plus en plus, actuellement, suivant l’adoption de nouveau systèmes idéologiques et théologiques en distanciation par rapport aux canons traditionnels gérant la sphère de la sexualité."
Et d'ajouter que "la majorité des hommes ne cachent pas savoir que la quasi totalité des jeunes filles ont eu des expériences sexuelles, plus ou moins avancées. A cet effet, certains confirment dépasser cette norme désormais vieille, alors que d’autres s’attachent à garder cette exigence même comme une formalité, sachant que cette virginité ne peut être que factice, refaite par une chirurgie, l’hyménoplastie".
Il demeure néanmoins que cette question révèle une fragilité aussi bien de l'homme que de la femme; écrasés par la société et ayant une identité "problématique, incertaine et hésitante" qui englobe toutes les normes. La sociologue ajoute: "Notre société de l'incertitude généralisée, ne permet pas le développement de l'individualité créatrice de nouveaux sens, celle qui adopte l'éthique de l'homme moderne, libre et responsable", explique-t-elle.
LIRE AUSSI:Tunisie: En l'absence d'éducation sexuelle, les jeunes tunisiens doivent se débrouiller seuls
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