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Pour faire face à la corruption, des lanceurs d'alerte tunisiens récompensés

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Dix lanceurs d'alerte dans des affaires de corruption viennent d'être mis à l'honneur en Tunisie afin de tenter de briser le mur du silence autour de ce fléau, qui freine la relance de l'économie de cette jeune démocratie.

Début 2011, des milliers de Tunisiens descendaient dans la rue contre le régime du dictateur Zine el Abidine Ben Ali, exprimant entre autres leur ras-le-bol de la corruption.

Six ans après le Printemps arabe, le constat est amer: la corruption d'Etat de l'ère Ben Ali a laissé place à une banalisation de la "petite corruption" dans tous les domaines du quotidien.

Ce fléau a atteint un stade "épidémique", s'est alarmé le chef de l'Instance nationale de lutte contre la corruption (Inlucc), Chawki Tabib.

LIRE AUSSI: Corruption : L'Instance nationale de lutte contre la corruption révèle des chiffres inquiétants


Vendredi, cet organisme qui centralise désormais l'ensemble des moyens de l'Etat pour enrayer ce fléau s'est associé à l'ONG I-Watch, spécialisée dans le combat anticorruption, pour une cérémonie inédite récompensant dix "lanceurs d'alerte".

Une manière d'inciter les citoyens tunisiens à surmonter leurs craintes de représailles et à dénoncer les abus.

"Donner du courage"

"L'idée est de leur donner du courage, et de prouver qu'on est en guerre ouverte" contre la corruption, a déclaré à l'AFP la coordinatrice d'I-Watch, Henda Faleh. Et de faire "changer la peur de camp".

Un encouragement absolument nécessaire selon un des participants. Car en Tunisie, comme dans d'autres pays, les victimes et témoins de cas de corruption ont souvent peur de les dénoncer, se sentant vulnérables face à l'absence de lois en leur faveur.

"Il y a des personnes qui se sentent mal protégées, qui ne peuvent pas construire seules des dossiers solides et qui risquent au final d'être poursuivies" pour des déclarations jugées calomnieuses par exemple, a regretté Noureddine Khalfaoui, un des lauréats.

Ce responsable de la Caisse nationale d'assurance-maladie (Cnam) a été récompensé dans le cadre de la révélation, l'été dernier, du recours à des stents périmés par plusieurs cliniques privées du pays, une affaire qui avait fait grand bruit.

LIRE AUSSI: Tunisie: Retour sur l'affaire des stents périmés


Le parquet a annoncé l'ouverture d'une enquête mais à ce jour aucun responsable présumé de ce scandale n'a été inquiété.

Un autre lauréat, cadre dans une entreprise publique de transports, a témoigné de son long parcours du combattant et des pressions subies quand il a dénoncé des faits de corruption.

"Depuis 2006, je n'ai cessé de dénoncer, preuves écrites à l'appui, des détournements de fonds --notamment en achats de carburants--, pour plusieurs dizaines de millions de dinars", a raconté Mohamed Abdelmoumen à l'AFP. Mais, "à chaque fois, la seule mesure prise a été... de me muter".

Selon lui, "il faut encore lever l'immunité dont bénéficient les lobbies de corruption car ils sont toujours à l'oeuvre".

Epuisé par cette lutte inégale et découragé par l'absence de poursuites, ce cadre est aujourd'hui en congé maladie, victime d'une dépression nerveuse.

Guerre de longue haleine

Afin de renforcer la protection des lanceurs d'alerte, un projet de loi est à l'étude au Parlement.

Le patron de l'Inlucc a profité de la cérémonie de vendredi pour réclamer son adoption au plus vite, si possible "en février".

"Depuis 2011, plus de 1.000 dossiers épineux sont restés sans suite", a par ailleurs souligné I-Watch, exhortant la justice à se montrer elle aussi "plus courageuse".

Le gouvernement d'union de Youssef Chahed a dit vouloir ériger la lutte anticorruption au rang de priorité et une "stratégie nationale" a été annoncée en décembre. "On ne peut pas parler d'une démocratie réelle si l'Etat n'est pas capable d'imposer la loi", a argué M. Chahed.

En attendant, la Tunisie fait du quasi surplace, passant du 76e au 75e rang dans l'indice de perception de la corruption publié la semaine dernière par Transparency International.

Tandis que le coût de la corruption pour l'économie tunisienne est estimé à deux points de Produit intérieur brut (PIB), le Premier ministre a prévenu que le combat sera de longue haleine.

"La guerre contre la corruption est devenue, dans certains cas, plus difficile que celle contre le terrorisme. Dans celle-ci, l'ennemi est souvent face à nous (...), alors que dans celle contre la corruption, il se cache à l'intérieur même de nos sociétés".

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