La plasticienne et réalisatrice tunisienne Moufida Fedhila est actuellement au cœur de l’exposition "MATZA Kerkennah: La mer un espace commun", qui a lieu au musée du Bardo, jusqu’au 7 mai 2017.
Dans le cadre de ce projet, elle collabore et expose avec les artistes tunisiens et internationaux Séverin Guelpa, Tom Bogaert, Maxime Bondu, Wissem El Abed, Moua Karray, Nathalie Rodach, Sabine Zaalene et l’architecte Karim Ben Amor.
Une exposition collective pour laquelle elle présente trois œuvres – une vidéo "On the Other Side", une installation "Survival Kit" et une série de polaroïds "The Return"–, autour de la pêche et de la mer. Celles-ci rendent compte des traversées et des rencontres de l’artiste, au fil de son expérience immersive, à Kerkennah. Elles sont également le fruit de son exploration des "frontières du possible entre rêve et résistance".
Le projet MATZA, centré sur l’humain, s’intéresse au "territoire comme espace d’affirmation collective et d’émancipation politique". Plus qu’un simple parcours de production artistique, il révèle une expérience hors du commun, Moufida Fedhila explique pourquoi.
HuffPost Tunisie: Comment avez-vous vécu cette expérience Kerkenienne?
Moufida Fedhila: Quand Séverin m’a proposé de passer 2 semaines sur l’archipel de Kerkennah, que je ne connaissais pas, moi qui suis originaire de Mahdia, il s’agissait d’une invitation à la découverte.
Je connais un peu l’esprit des pêcheurs, de la mer, mais vraiment Kerkennah c’est assez particulier! Les gens qui vivent sur une île ont un rapport au continent qui est différent. Ils sont à la fois dépendants de ce continent mais en même temps, ils se sentent comme seuls en mer, ils se débrouillent sur terre comme sur mer pour pouvoir vivre au quotidien et continuer d'exister.
J’ai trouvé que Matza était une belle expérience, à la fois pour les artistes mais aussi pour la Tunisie, car elle ouvre aussi les portes à un investissement réel de l’art.
Justement, l’archipel de Kerkennah n’est pas une région exploitée artistiquement. Comment les Kerkenniens ont-ils réagi à ce projet?
Oui, tout à fait et étonnamment avec les Kerkenniens il y a eu une collaboration incroyable. Chaque personne rencontrée m’offrait un cadeau en retour, il y a une grande générosité! Certaines personnes n’ont pas grand-chose et donnent quand même. C’est vraiment la rencontre avec les gens qui m’a intéressée, je travaille beaucoup là-dessus. J’aime parler, prendre des notes sur leur histoire, filmer, photographier, parfois juste prendre un café et écouter ce qu’ils ont envie de raconter.
À partir de là, j’ai puisé sur cette question d’aller-retour et d’émigration, par rapport au continent ou à l’Europe, sachant que Kerkennah est très proche de Lampedusa. Je me rappelle aussi en 2013, de ce problème des pêcheurs qui ne trouvaient plus de quoi pêcher suite à la présence de chaluts qui ont endommagé la mer. Ils ont réagi par un geste très fort en décidant de partir clandestinement en Italie, à Lampedusa, juste pour dire qu’ils en avaient marre.
Comment un État peut-il se taire face à une telle situation? Malheureusement cela continue et n’a pas été résolu. Les gens te racontent cela tous les jours mais en même temps te disent: "hamdoulah! On arrive quand même à se débrouiller sur terre".
J’ai d’ailleurs remarqué que le rapport de l’homme à la femme y était étonnamment assez différent par rapport au reste de la Tunisie. La femme a plus de pouvoir, et il y a un rapport assez doux, j’ai moins senti le côté macho qu’ailleurs.
C’était donc vraiment une analyse sociale, un travail en immersion avec les habitants...
Oui ça fait partie de cette approche, je me suis documentée, comme en témoignent mes polaroïds et vidéo.
Nous nous sommes retrouvés (NDLR: avec les autres artistes) comme une famille. Nous avons réfléchi ensemble à comment travailler sur l’île, comment nous allions mettre en place toutes les formes plastiques, comment investir l’espace d’exposition du Bardo, tout cela a été pensé ensemble.
Nous sommes restés ensemble 2 semaines, la première semaine nous avions un programme tous les jours. Nous allions rencontrer les gens, voir les artisans, nous allions au port… mais beaucoup de choses étaient improvisées.
Maxime qui a fait les photos de Daesh avec le crabe, est resté plusieurs jours à faire son dessin et chaque jour, des pêcheurs venaient le voir, des liens se sont tissés, il a même commencé à apprendre le Tunisien… tout est basé sur le rapport humain!
Dans le cadre de ce projet, elle collabore et expose avec les artistes tunisiens et internationaux Séverin Guelpa, Tom Bogaert, Maxime Bondu, Wissem El Abed, Moua Karray, Nathalie Rodach, Sabine Zaalene et l’architecte Karim Ben Amor.
Une exposition collective pour laquelle elle présente trois œuvres – une vidéo "On the Other Side", une installation "Survival Kit" et une série de polaroïds "The Return"–, autour de la pêche et de la mer. Celles-ci rendent compte des traversées et des rencontres de l’artiste, au fil de son expérience immersive, à Kerkennah. Elles sont également le fruit de son exploration des "frontières du possible entre rêve et résistance".
Le projet MATZA, centré sur l’humain, s’intéresse au "territoire comme espace d’affirmation collective et d’émancipation politique". Plus qu’un simple parcours de production artistique, il révèle une expérience hors du commun, Moufida Fedhila explique pourquoi.
HuffPost Tunisie: Comment avez-vous vécu cette expérience Kerkenienne?
Moufida Fedhila: Quand Séverin m’a proposé de passer 2 semaines sur l’archipel de Kerkennah, que je ne connaissais pas, moi qui suis originaire de Mahdia, il s’agissait d’une invitation à la découverte.
Je connais un peu l’esprit des pêcheurs, de la mer, mais vraiment Kerkennah c’est assez particulier! Les gens qui vivent sur une île ont un rapport au continent qui est différent. Ils sont à la fois dépendants de ce continent mais en même temps, ils se sentent comme seuls en mer, ils se débrouillent sur terre comme sur mer pour pouvoir vivre au quotidien et continuer d'exister.
J’ai trouvé que Matza était une belle expérience, à la fois pour les artistes mais aussi pour la Tunisie, car elle ouvre aussi les portes à un investissement réel de l’art.
Justement, l’archipel de Kerkennah n’est pas une région exploitée artistiquement. Comment les Kerkenniens ont-ils réagi à ce projet?
Oui, tout à fait et étonnamment avec les Kerkenniens il y a eu une collaboration incroyable. Chaque personne rencontrée m’offrait un cadeau en retour, il y a une grande générosité! Certaines personnes n’ont pas grand-chose et donnent quand même. C’est vraiment la rencontre avec les gens qui m’a intéressée, je travaille beaucoup là-dessus. J’aime parler, prendre des notes sur leur histoire, filmer, photographier, parfois juste prendre un café et écouter ce qu’ils ont envie de raconter.
À partir de là, j’ai puisé sur cette question d’aller-retour et d’émigration, par rapport au continent ou à l’Europe, sachant que Kerkennah est très proche de Lampedusa. Je me rappelle aussi en 2013, de ce problème des pêcheurs qui ne trouvaient plus de quoi pêcher suite à la présence de chaluts qui ont endommagé la mer. Ils ont réagi par un geste très fort en décidant de partir clandestinement en Italie, à Lampedusa, juste pour dire qu’ils en avaient marre.
Comment un État peut-il se taire face à une telle situation? Malheureusement cela continue et n’a pas été résolu. Les gens te racontent cela tous les jours mais en même temps te disent: "hamdoulah! On arrive quand même à se débrouiller sur terre".
J’ai d’ailleurs remarqué que le rapport de l’homme à la femme y était étonnamment assez différent par rapport au reste de la Tunisie. La femme a plus de pouvoir, et il y a un rapport assez doux, j’ai moins senti le côté macho qu’ailleurs.
C’était donc vraiment une analyse sociale, un travail en immersion avec les habitants...
Oui ça fait partie de cette approche, je me suis documentée, comme en témoignent mes polaroïds et vidéo.
Nous nous sommes retrouvés (NDLR: avec les autres artistes) comme une famille. Nous avons réfléchi ensemble à comment travailler sur l’île, comment nous allions mettre en place toutes les formes plastiques, comment investir l’espace d’exposition du Bardo, tout cela a été pensé ensemble.
Nous sommes restés ensemble 2 semaines, la première semaine nous avions un programme tous les jours. Nous allions rencontrer les gens, voir les artisans, nous allions au port… mais beaucoup de choses étaient improvisées.
Maxime qui a fait les photos de Daesh avec le crabe, est resté plusieurs jours à faire son dessin et chaque jour, des pêcheurs venaient le voir, des liens se sont tissés, il a même commencé à apprendre le Tunisien… tout est basé sur le rapport humain!
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