Elle est une femme, une mère, une avocate. Ce sont les trois mots employés par Marine Le Pen pour se décrire dans son clip de campagne officiel. Elle est la candidate du Front National à l'élection présidentielle, mais pas que. Son message est clair: elle se veut aussi une femme moderne, active, divorcée, une mère de famille qui connaît bien les préoccupations des Français.
Rarement une femme politique française n'aura été si proche de l'Elysée. En 2007, Ségolène Royal a atteint le second tour de l'élection en tant que candidate du Parti socialiste, mais elle n'était jamais la mieux placée au premier tour, Nicolas Sarkozy la devançant toujours de quelques points. Même si Emmanuel Macron est en tête en cette fin de campagne, Marine Le Pen a longtemps été en première position des sondages. Une domination qui nous interrogeait le 8 mars sur le sens à donner à une potentielle victoire de la candidate: Marine Le Pen présidente, serait-ce un succès pour les femmes?
Aujourd'hui, nous nous demandons quel type de femme politique elle est. Marine Le Pen ne serait pas la première, et certainement pas la dernière, à revendiquer politiquement son statut de femme. En 2007, Ségolène Royal en avait fait un réel argument de campagne.
En 2016, c'est Hillary Clinton qui mettait les femmes au cœur de son programme tout comme de sa communication, n'hésitant pas à se déclarer féministe. Ce qui n'est pas du tout le cas de la candidate FN, dont le programme effleure tout juste les droits des femmes.
Dans ce cas, pourquoi mettre en avant ce statut qu'elle ne revendique jamais d'un point de vue programmatique? Si sur certains plans, la candidate ne se démarque pas des Angela Merkel et Hillary Clinton, la femme politique que Marine Le Pen incarne est complexe. Elle est à la fois une exception dans le paysage politique et une experte de la communication.
Une femme politique mais surtout la fille de Jean-Marie Le Pen
Devenir une femme de pouvoir n'est pas une mince affaire. En attestent en France et dans le monde les remarques sexistes qu'elles subissent ou le plafond de verre qui les empêche. En France, elles ne représentent que 26% des élus de l'Assemblée comme du Sénat. Pour Marine Le Pen la trajectoire est un peu différente. Elle, a été propulsée au sein du Front National et n'a pas vraiment eu à se battre pour en devenir la présidente puis la candidate.
"Marine Le Pen est la fille de son père, avant d'être une femme politique", analyse Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique à l'Université de Reims et auteure d'un docu-fiction sur les femmes politiques françaises. "Contrairement aux autres, elle est arrivée là par héritage, par son père. Il allait mal et il fallait quelqu'un pour le remplacer", souligne Maud Navarre, docteure en sociologie spécialiste des carrières politiques des femmes. Rappelons en effet que le FN a un fonctionnement interne quasi-monarchique. "Je suis une espèce de monarque démocratique", soulignait Jean-Marie Le Pen lui-même en 1998.
De ce côté-là, Marine Le Pen est bien plus proche d'une Hillary Clinton, qui a dû faire face tout au long de sa campagne a un flot de critiques "anti-dynastie Clinton". Mais même si la candidate démocrate a pu tirer profit de sa place de "femme de Président", elle était politiquement active bien avant que Bill Clinton n'obtienne les clés de la Maison Blanche. Marine Le Pen, elle, a, dès sa première campagne à 24 ans aux élections législatives de 1993, bénéficié du soutien de son père.
Si son ascension politique a été simplifiée, Marine Le Pen semble toutefois avoir tout de même développé un tempérament qu'on retrouve chez bon nombre de femmes de pouvoir.
En ce sens, la fille de Jean-Marie Le Pen a un tempérament qui se rapproche de ceux de Theresa May ou de Angela Merkel, toutes deux régulièrement nommées "dame de fer". Les Allemands ont en tout cas vu entre la chancelière allemande et la Première ministre britannique un point commun, selon eux Theresa May est "l'Angela Merkel d'Angleterre". Une force de caractère récurrente qu'on retrouve chez Marine Le Pen et qui n'étonne pas Maud Navarre. "Comme beaucoup de femmes à niveau politique élevé, Marine Le Pen a un fort caractère, de la poigne", nous affirme-t-elle. Cette chercheuse a pu constater à travers ses différents travaux que "lorsque des femmes sont élues, elles développent une certaine pugnacité".
Une femme à la féminité stratégique
Quel que soit le mérite de la candidate FN dans son ascension vers le fait d'être l'une des rares femmes politiques françaises à flirter à ce point avec le plafond de verre, on ne peut nier son rôle dans la normalisation du parti d'extrême-droite. Une normalisation rendue en partie possible par son statut de femme. Et qui va jusqu'à se refléter dans son style vestimentaire.
"C'est une stratégie classique pour les femmes en politique, faire oublier leur genre", décrypte pour Madame Figaro le sociologue Jamil Dakhlia, auteur de "Politique People". "Parce qu'il y a cette propension, du côté des médias et des publics, à se focaliser sur l'apparence, il faut offrir le moins possible d'aspérités."
Les femmes politiques savent qu'elles sont scrutées et que la moindre tenue sortant un tant soit peu de l'ordinaire sera analysée. Marine Le Pen ne fait pas exception.
Et elle est, comme une Angela Merkel ou une Hillary Clinton, une femme politique au style vestimentaire et à l'apparence plutôt neutre: pantalon, chemise, blazer est son ensemble favori. "Elles ont souvent des signes de féminité assez faible. C'est la stratégie de l'amazone: ce sont des femmes qui ont parfois sacrifié leur vie de famille et qui apparaissent comme fortes", indique Camille Froidevaux-Metterie.
Un style assez neutre du point du vue du sexe, mais aussi le moins extravagant possible. Et ce dernier aspect a certainement joué dans la dédiabolisation du FN. Un look normal pour incarner un parti qui se veut normal. "Son style est accessible, il démontre une certaine capacité à incarner la femme politique sous un angle traditionnel", souligne Samir Hammal.
Mais cela ne veut pas dire que Marine Le Pen ne met pas du tout sa "féminité" en avant, dans son apparence comme dans ses discours. "Je suis une femme... Je suis une mère... Je suis une avocate..." Des facettes que Marine Le Pen est capable de reproduire à l'envi à travers sa garde-robe: "Une jupe et des bottes pour la femme, un tailleur incarnant la rigueur pour montrer qu'elle est une 'executive woman'", donne en exemple Samir Hammal.
En se posant en femme moderne, jeune, active, divorcée, mère de famille, Marine Le Pen a en quelque sorte lissé l'image du Front National de son père... et récolté une partie du vote des femmes, historiquement réticentes à l'extrême-droite. A travers son style vestimentaire ou sa coupe de cheveux, elle ne cache pas non plus ses attributs de femme. "En bonne communicante, elle sait que le physique compte. C'est une stratégie de femme moderne, propre à parler à l'électorat féminin", explique Maud Navarre.
Marine Le Pen a donc bien saisi les enjeux relatifs au fait d'être une femme en politique. En se situant dans une sorte d'entre-deux, ni trop masculine, ni trop féminine, elle joue avec son image, tantôt pour affirmer qu'elle a la carrure d'une Présidente, tantôt pour adoucir l'image du FN dans l'opinion et se montrer rassurante.
Une femme mais pas une politique féministe
Par contre, là où le bât blesse, c'est sur le programme. Pour Maud Navarre, tout cela n'est effectivement qu'une "attitude de communicante". "L'idée de 'femme' est mise au service de l'extrême droite, du nationalisme, du patriotisme", souligne-t-elle.
C'est frappant lorsqu'on regarde son clip de campagne: "Je suis une femme, et comme femme je ressens comme une violence extrême les restrictions des libertés qui se multiplient dans tout notre pays à travers le développement du fondamentalisme islamique", dit Marine Le Pen.
Ces différentes facettes de femme sont vendues dans ce clip comme un argument. Pour autant, contrairement à Hillary Clinton qui a réellement mis le genre au cœur de sa campagne, il n'en est rien chez Marine Le Pen. Ou alors il ne s'agit que d'un moyen pour une fin.
C'est peut-être ce qui distingue le plus Marine Le Pen d'une Hillary Clinton, dont le programme féministe était en accord avec le discours. Et qui la rapproche le plus d'une Angela Merkel ou Theresa May, assez neutres à ce sujet. A la différence près que la candidate FN sait brandir différentes facettes de sa personnalité à des fins purement politiques, particulièrement sur l'islamisme. Raison pour laquelle Marine Le Pen est avant tout une très bonne communicante au service du FN. Avant d'être une femme de pouvoir.
Rarement une femme politique française n'aura été si proche de l'Elysée. En 2007, Ségolène Royal a atteint le second tour de l'élection en tant que candidate du Parti socialiste, mais elle n'était jamais la mieux placée au premier tour, Nicolas Sarkozy la devançant toujours de quelques points. Même si Emmanuel Macron est en tête en cette fin de campagne, Marine Le Pen a longtemps été en première position des sondages. Une domination qui nous interrogeait le 8 mars sur le sens à donner à une potentielle victoire de la candidate: Marine Le Pen présidente, serait-ce un succès pour les femmes?
Aujourd'hui, nous nous demandons quel type de femme politique elle est. Marine Le Pen ne serait pas la première, et certainement pas la dernière, à revendiquer politiquement son statut de femme. En 2007, Ségolène Royal en avait fait un réel argument de campagne.
En 2016, c'est Hillary Clinton qui mettait les femmes au cœur de son programme tout comme de sa communication, n'hésitant pas à se déclarer féministe. Ce qui n'est pas du tout le cas de la candidate FN, dont le programme effleure tout juste les droits des femmes.
Dans ce cas, pourquoi mettre en avant ce statut qu'elle ne revendique jamais d'un point de vue programmatique? Si sur certains plans, la candidate ne se démarque pas des Angela Merkel et Hillary Clinton, la femme politique que Marine Le Pen incarne est complexe. Elle est à la fois une exception dans le paysage politique et une experte de la communication.
Une femme politique mais surtout la fille de Jean-Marie Le Pen
Devenir une femme de pouvoir n'est pas une mince affaire. En attestent en France et dans le monde les remarques sexistes qu'elles subissent ou le plafond de verre qui les empêche. En France, elles ne représentent que 26% des élus de l'Assemblée comme du Sénat. Pour Marine Le Pen la trajectoire est un peu différente. Elle, a été propulsée au sein du Front National et n'a pas vraiment eu à se battre pour en devenir la présidente puis la candidate.
"Marine Le Pen est la fille de son père, avant d'être une femme politique", analyse Camille Froidevaux-Metterie, professeure de science politique à l'Université de Reims et auteure d'un docu-fiction sur les femmes politiques françaises. "Contrairement aux autres, elle est arrivée là par héritage, par son père. Il allait mal et il fallait quelqu'un pour le remplacer", souligne Maud Navarre, docteure en sociologie spécialiste des carrières politiques des femmes. Rappelons en effet que le FN a un fonctionnement interne quasi-monarchique. "Je suis une espèce de monarque démocratique", soulignait Jean-Marie Le Pen lui-même en 1998.
De ce côté-là, Marine Le Pen est bien plus proche d'une Hillary Clinton, qui a dû faire face tout au long de sa campagne a un flot de critiques "anti-dynastie Clinton". Mais même si la candidate démocrate a pu tirer profit de sa place de "femme de Président", elle était politiquement active bien avant que Bill Clinton n'obtienne les clés de la Maison Blanche. Marine Le Pen, elle, a, dès sa première campagne à 24 ans aux élections législatives de 1993, bénéficié du soutien de son père.
Si son ascension politique a été simplifiée, Marine Le Pen semble toutefois avoir tout de même développé un tempérament qu'on retrouve chez bon nombre de femmes de pouvoir.
Un "tempérament de chef" selon son père, une personnalité orageuse, agressive ou courageuse. Les adjectifs ne manquent pas pour décrire le fort caractère de Marine Le Pen et elle-même le sait. "Je pense que j'ai une image de quelqu'un de dur, de froid, d'autoritaire et en fait je suis une femme souvent de bonne humeur avec un caractère plutôt égal. Je suis très certainement moins dure que l'image que je peux donner", confiait-elle face à Karine Le Marchand dans l'émission "Une ambition intime" sur M6.
En ce sens, la fille de Jean-Marie Le Pen a un tempérament qui se rapproche de ceux de Theresa May ou de Angela Merkel, toutes deux régulièrement nommées "dame de fer". Les Allemands ont en tout cas vu entre la chancelière allemande et la Première ministre britannique un point commun, selon eux Theresa May est "l'Angela Merkel d'Angleterre". Une force de caractère récurrente qu'on retrouve chez Marine Le Pen et qui n'étonne pas Maud Navarre. "Comme beaucoup de femmes à niveau politique élevé, Marine Le Pen a un fort caractère, de la poigne", nous affirme-t-elle. Cette chercheuse a pu constater à travers ses différents travaux que "lorsque des femmes sont élues, elles développent une certaine pugnacité".
Une femme à la féminité stratégique
Quel que soit le mérite de la candidate FN dans son ascension vers le fait d'être l'une des rares femmes politiques françaises à flirter à ce point avec le plafond de verre, on ne peut nier son rôle dans la normalisation du parti d'extrême-droite. Une normalisation rendue en partie possible par son statut de femme. Et qui va jusqu'à se refléter dans son style vestimentaire.
"On juge hélas encore trop souvent les femmes politiques selon leurs tenues et on leur reproche parfois d'être dans la séduction", regrette auprès du HuffPost Samir Hammal, créateur du cours sur les habits du pouvoir à Sciences Po. "Il est beaucoup plus difficile pour les femmes de placer le curseur. On leur demande aussi d'incarner un certain sérieux. Pour un homme politique c'est plus facile, car il se détache rarement du costume, mais pour une femme, le choix est plus vaste et donc souvent plus difficile. Elles subissent une forme de pression car on s'attend à ce qu'elles reprennent les codes du pouvoir masculin", analyse Samir Hammal.
"C'est une stratégie classique pour les femmes en politique, faire oublier leur genre", décrypte pour Madame Figaro le sociologue Jamil Dakhlia, auteur de "Politique People". "Parce qu'il y a cette propension, du côté des médias et des publics, à se focaliser sur l'apparence, il faut offrir le moins possible d'aspérités."
Les femmes politiques savent qu'elles sont scrutées et que la moindre tenue sortant un tant soit peu de l'ordinaire sera analysée. Marine Le Pen ne fait pas exception.
Et elle est, comme une Angela Merkel ou une Hillary Clinton, une femme politique au style vestimentaire et à l'apparence plutôt neutre: pantalon, chemise, blazer est son ensemble favori. "Elles ont souvent des signes de féminité assez faible. C'est la stratégie de l'amazone: ce sont des femmes qui ont parfois sacrifié leur vie de famille et qui apparaissent comme fortes", indique Camille Froidevaux-Metterie.
Un style assez neutre du point du vue du sexe, mais aussi le moins extravagant possible. Et ce dernier aspect a certainement joué dans la dédiabolisation du FN. Un look normal pour incarner un parti qui se veut normal. "Son style est accessible, il démontre une certaine capacité à incarner la femme politique sous un angle traditionnel", souligne Samir Hammal.
Mais cela ne veut pas dire que Marine Le Pen ne met pas du tout sa "féminité" en avant, dans son apparence comme dans ses discours. "Je suis une femme... Je suis une mère... Je suis une avocate..." Des facettes que Marine Le Pen est capable de reproduire à l'envi à travers sa garde-robe: "Une jupe et des bottes pour la femme, un tailleur incarnant la rigueur pour montrer qu'elle est une 'executive woman'", donne en exemple Samir Hammal.
En se posant en femme moderne, jeune, active, divorcée, mère de famille, Marine Le Pen a en quelque sorte lissé l'image du Front National de son père... et récolté une partie du vote des femmes, historiquement réticentes à l'extrême-droite. A travers son style vestimentaire ou sa coupe de cheveux, elle ne cache pas non plus ses attributs de femme. "En bonne communicante, elle sait que le physique compte. C'est une stratégie de femme moderne, propre à parler à l'électorat féminin", explique Maud Navarre.
Marine Le Pen a donc bien saisi les enjeux relatifs au fait d'être une femme en politique. En se situant dans une sorte d'entre-deux, ni trop masculine, ni trop féminine, elle joue avec son image, tantôt pour affirmer qu'elle a la carrure d'une Présidente, tantôt pour adoucir l'image du FN dans l'opinion et se montrer rassurante.
Une femme mais pas une politique féministe
Par contre, là où le bât blesse, c'est sur le programme. Pour Maud Navarre, tout cela n'est effectivement qu'une "attitude de communicante". "L'idée de 'femme' est mise au service de l'extrême droite, du nationalisme, du patriotisme", souligne-t-elle.
C'est frappant lorsqu'on regarde son clip de campagne: "Je suis une femme, et comme femme je ressens comme une violence extrême les restrictions des libertés qui se multiplient dans tout notre pays à travers le développement du fondamentalisme islamique", dit Marine Le Pen.
Ces différentes facettes de femme sont vendues dans ce clip comme un argument. Pour autant, contrairement à Hillary Clinton qui a réellement mis le genre au cœur de sa campagne, il n'en est rien chez Marine Le Pen. Ou alors il ne s'agit que d'un moyen pour une fin.
Dans son programme, Marine Le Pen ne parle des femmes qu'à une seule reprise, dans l'engagement n°9. Dans celui-ci, elle entend "défendre les droits des femmes" par trois actions: "lutter contre l'islamisme qui fait reculer leurs libertés fondamentales; mettre en place un plan national pour l'égalité salariale femme/homme et lutter contre la précarité professionnelle et sociale". Ce rapprochement entre lutte féministe et danger de l'Islam est une déclinaison du thème cher au FN, les dangers de l'immigration. Il est logiquement ce sur quoi la candidate communique le plus. "Le voile est l'instrumentalisation de son idée de femme pour mieux servir son idéologie. Elle n'est pas féministe du tout", poursuit Maud Navarre.
C'est peut-être ce qui distingue le plus Marine Le Pen d'une Hillary Clinton, dont le programme féministe était en accord avec le discours. Et qui la rapproche le plus d'une Angela Merkel ou Theresa May, assez neutres à ce sujet. A la différence près que la candidate FN sait brandir différentes facettes de sa personnalité à des fins purement politiques, particulièrement sur l'islamisme. Raison pour laquelle Marine Le Pen est avant tout une très bonne communicante au service du FN. Avant d'être une femme de pouvoir.
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