Coordinatrice de plusieurs projets culturels tels que "Tunis sur le Divan", "La Nuit des étoiles" ou le Festival "Éphémère", elle a notamment participé à la promotion du film "Nhebbek Hedi" avec la société de production tunisienne Nomadis. Un parcours qui a déjà permis à la jeune Essia Jaïbi de se faire une place de choix au sein du paysage culturel tunisien.
Elle fait de l’art dans l’espace public sa spécialité et commence à entreprendre des projets tunisiens en 2014, n’hésitant pas à prendre des risques en accompagnant des concepts inédits en Tunisie.
Essia aime sortir du cadre habituel et impose une nouvelle vision du spectacle, tout en s’adaptant au public tunisien: une recette qui semble avoir fait ses preuves.
Elle revient sur les 3 grands projets culturels auxquels elle a contribué.
HuffPost Tunisie: Tunis sur le divan, est votre premier grand projet tunisien, comment cette idée vous est-elle venue?
Essia Jaïbi: Après une prépa littéraire, une licence d’études théâtrales et un Master de sociologie du théâtre, je me suis spécialisée dans un Master professionnel en projets culturels dans l’espace public qui m’a permis de rencontrer plusieurs professionnels des arts de la rue. Dans ce cadre, j’ai rencontré Laurent Petit, qui a monté l’ANPU (Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine), avec lequel j’ai fait un stage. On analyse la ville, on essaie de voir comment elle fonctionne, mais en même temps, on passe par le clown, la performance dans la rue. J’adore ce qu'il se passe dans la rue, j’aime le fait de rompre la barrière avec le public.
J’avais envie d’entreprendre quelque chose à Tunis et je me suis dis que la psychanalyse urbaine était une belle entrée en matière. J’ai proposé à Laurent Petit de réaliser cette expérience à Tunis en m’occupant de tout, il a accepté. J’ai passé 4 mois à chercher l’argent et à contacter d’autres structures pour des partenariats. On s’est donc associés au théâtre national tunisien et à son "école de l’acteur". Nous avons fait un vrai travail de recherche pendant près d’un mois et demi.
Cette expérience de psychanalyse urbaine est une première en Tunisie, comment s’est-elle déroulée et quelles ont été les réactions?
Nous mettions des chaises longues dans la rue, les gens venaient s’asseoir et nous posions une série de questions liées à la ville. Cela a donné lieu à un public et des réactions extrêmement divers, nous avons collecté une grande quantité d’informations. J’ai organisé en parallèle un cycle de conférences avec des spécialistes (psychologues, urbanistes, sociologues et photographes) qui devaient, à travers leur spécialité, nous parler de la ville de Tunis. À partir de là, nous avons préparé un show dans l’espace public, une sorte de fausse conférence avec de faux spécialistes joués par les acteurs du théâtre national.
On m’a proposé de refaire cette expérience au Kef, mais je ne connais pas bien cette ville, je ne peux pas avoir la prétention de la psychanalyser sans vraiment m’associer à des gens qui en viennent, il faut vraiment un travail en amont.
Laurent Petit a été autant marqué que moi par cette expérience, c’était la première fois qu’il faisait cela ailleurs qu’en Europe. Elle a été très médiatisée car tout le monde trouvait très original de psychanalyser une ville.
J’ai choisi l’image de Freud avec une chicha, sur un transat, j’ai joué le cliché à fond! On ne se prenait pas au sérieux même si le fond était sérieux. C’était une entrée en matière sur ce qui pouvait être entrepris dans la rue.
Le Festival Éphémère, principalement axé musique mais aussi art visuel, a fait du chemin. Il va entamer sa 4ème édition prochainement...
On a lancé le Festival Éphémère avec Ahmed Loubiri, directeur artistique du Calypso, qui a initié la HYPE. Il avait envie de lancer son festival et cherchait une équipe, ce réseau a bien marché, le festival n’a fait que grandir depuis. On a plus de 100 bénévoles. C’est aujourd’hui une vraie structure, alors qu’à l’origine nous étions juste 4 ou 5 gamins qui voulions faire un festival (rires)!
Nous travaillons sur ce festival quasiment en continu toute l’année. Ahmed Loubiri est directeur artistique du festival, il booke les artistes. Douja Mastiri est directrice artistique pour les arts visuels et s’y connaît très bien en art contemporain. Je suis la RP du festival, je m’occupe principalement des partenariats avec les médias, la presse.
L’événement se déroule toujours les 12/13 août, jusqu'à présent à Hammamet mais nous changeons cette année. Nous avons mis en place un concours pour le choix du lieu, il n’a pas encore été dévoilé.
Nous sommes le premier festival à avoir 2 scènes simultanées. Pendant 48h nous proposons des live sur une scène alternative et une autre beaucoup plus électro avec des têtes d’affiches. On essaie de ramener des artistes assez connus pour faire venir du monde, mais aussi un peu moins connus pour les promouvoir. Ces artistes ne viennent pas uniquement de Tunisie. L’an dernier, plus de 15 nationalités étaient représentées.
Chaque année, à la fin du mois de mai, on fait le lancement du festival en annonçant son retour de manière assez particulière. La première année, par exemple, nous avons fait des happenings avec des artistes tunisiens dans des lieux complètement atypiques : chez un poissonnier, dans un supermarché, sur un toit, … L’année dernière, nous avons utilisé un truck, un camion de hot-dogs et nous avons installé un dj dedans et fait le tour de la Tunisie avec, en distribuant des goodies. L’année d’avant, nous avions fait une chasse aux trésors à Sidi Bou Saïd. On joue un peu sur l’effet de surprise, donc je ne révélerais pas encore ce que nous préparons cette année (rires)!
La Nuit des étoiles propose, encore une fois, un parcours atypique. Vous travaillez actuellement sur sa 3e édition. Comment cet événement a-t-il été initié?
L’an dernier, Moez Mrabet, directeur du festival de Hammamet, m’a contactée pour que je propose quelque chose de off pour le festival. J’ai proposé un parcours dans le parc du centre culturel de Hammamet, dans lequel les gens se baladeraient et tomberaient sur des spectacles. Il m’a alors parlé de Selim Ben Safia, qui fait des choses similaires, notamment "Hors-Lits", avec qui je me suis associée. Il est dans le milieu de la danse, moi plus de la musique, nous avons créé la Nuit des étoiles ensemble.
Il s’agit de faire découvrir, toute une soirée, des lieux culturels à travers leurs endroits cachés. Nous avons fait appel à des artistes du théâtre, de la musique, de la danse, réalisant des installations et performances.
L’événement a amené 300 personnes alors que nous en attendions 50! On a, par la suite, reproduit ce même principe avec une thématique et des artistes différents. Lors de la dernière édition nous avons pu faire 2 représentations, nous avons aussi pris le parti de ramener des artistes très jeunes.
Vous vous rendez souvent à Paris, y a-t-il des événements parisiens justement, ou même étrangers, qui ont pu Vous inspirer dans la réalisation de ces projets?
Oui beaucoup, la "ZAT" (Zone Artistique Temporaire) à Montpellier, "Paris face cachée" qui fait découvrir plusieurs endroits de manière complètement décalée. La "Nuit blanche" qui est un très bon exemple pour animer la ville. J’aime beaucoup ces projets là car ils continuent à se développer. Paris m’a donné de l’inspiration, des envies de projets…
Mon père est metteur en scène et ma mère comédienne et dramaturge. J’ai toujours vécu là-dedans, mais c’est vraiment à Paris que j’ai développé mes projets, envies, contacts, réseaux, même avec des tunisiens. Prendre du recul par rapport à ton propre pays et voir ce qu’il se passe ailleurs te relance le cerveau, te donne d’autres envies.
Une de mes envies est d’ailleurs de mettre en place en Tunisie une formation comme celle que j’ai suivie à Paris. Il faut inculquer le fait qu’il y ait des métiers derrière la scène, et pas seulement celui d’artiste. La médiation, la coordination, la communication, sont très importantes. Il y a un manque au niveau de la formation.
Elle fait de l’art dans l’espace public sa spécialité et commence à entreprendre des projets tunisiens en 2014, n’hésitant pas à prendre des risques en accompagnant des concepts inédits en Tunisie.
Essia aime sortir du cadre habituel et impose une nouvelle vision du spectacle, tout en s’adaptant au public tunisien: une recette qui semble avoir fait ses preuves.
Elle revient sur les 3 grands projets culturels auxquels elle a contribué.
HuffPost Tunisie: Tunis sur le divan, est votre premier grand projet tunisien, comment cette idée vous est-elle venue?
Essia Jaïbi: Après une prépa littéraire, une licence d’études théâtrales et un Master de sociologie du théâtre, je me suis spécialisée dans un Master professionnel en projets culturels dans l’espace public qui m’a permis de rencontrer plusieurs professionnels des arts de la rue. Dans ce cadre, j’ai rencontré Laurent Petit, qui a monté l’ANPU (Agence Nationale de Psychanalyse Urbaine), avec lequel j’ai fait un stage. On analyse la ville, on essaie de voir comment elle fonctionne, mais en même temps, on passe par le clown, la performance dans la rue. J’adore ce qu'il se passe dans la rue, j’aime le fait de rompre la barrière avec le public.
J’avais envie d’entreprendre quelque chose à Tunis et je me suis dis que la psychanalyse urbaine était une belle entrée en matière. J’ai proposé à Laurent Petit de réaliser cette expérience à Tunis en m’occupant de tout, il a accepté. J’ai passé 4 mois à chercher l’argent et à contacter d’autres structures pour des partenariats. On s’est donc associés au théâtre national tunisien et à son "école de l’acteur". Nous avons fait un vrai travail de recherche pendant près d’un mois et demi.
Cette expérience de psychanalyse urbaine est une première en Tunisie, comment s’est-elle déroulée et quelles ont été les réactions?
Nous mettions des chaises longues dans la rue, les gens venaient s’asseoir et nous posions une série de questions liées à la ville. Cela a donné lieu à un public et des réactions extrêmement divers, nous avons collecté une grande quantité d’informations. J’ai organisé en parallèle un cycle de conférences avec des spécialistes (psychologues, urbanistes, sociologues et photographes) qui devaient, à travers leur spécialité, nous parler de la ville de Tunis. À partir de là, nous avons préparé un show dans l’espace public, une sorte de fausse conférence avec de faux spécialistes joués par les acteurs du théâtre national.
On m’a proposé de refaire cette expérience au Kef, mais je ne connais pas bien cette ville, je ne peux pas avoir la prétention de la psychanalyser sans vraiment m’associer à des gens qui en viennent, il faut vraiment un travail en amont.
Laurent Petit a été autant marqué que moi par cette expérience, c’était la première fois qu’il faisait cela ailleurs qu’en Europe. Elle a été très médiatisée car tout le monde trouvait très original de psychanalyser une ville.
J’ai choisi l’image de Freud avec une chicha, sur un transat, j’ai joué le cliché à fond! On ne se prenait pas au sérieux même si le fond était sérieux. C’était une entrée en matière sur ce qui pouvait être entrepris dans la rue.
Le Festival Éphémère, principalement axé musique mais aussi art visuel, a fait du chemin. Il va entamer sa 4ème édition prochainement...
On a lancé le Festival Éphémère avec Ahmed Loubiri, directeur artistique du Calypso, qui a initié la HYPE. Il avait envie de lancer son festival et cherchait une équipe, ce réseau a bien marché, le festival n’a fait que grandir depuis. On a plus de 100 bénévoles. C’est aujourd’hui une vraie structure, alors qu’à l’origine nous étions juste 4 ou 5 gamins qui voulions faire un festival (rires)!
Nous travaillons sur ce festival quasiment en continu toute l’année. Ahmed Loubiri est directeur artistique du festival, il booke les artistes. Douja Mastiri est directrice artistique pour les arts visuels et s’y connaît très bien en art contemporain. Je suis la RP du festival, je m’occupe principalement des partenariats avec les médias, la presse.
L’événement se déroule toujours les 12/13 août, jusqu'à présent à Hammamet mais nous changeons cette année. Nous avons mis en place un concours pour le choix du lieu, il n’a pas encore été dévoilé.
Nous sommes le premier festival à avoir 2 scènes simultanées. Pendant 48h nous proposons des live sur une scène alternative et une autre beaucoup plus électro avec des têtes d’affiches. On essaie de ramener des artistes assez connus pour faire venir du monde, mais aussi un peu moins connus pour les promouvoir. Ces artistes ne viennent pas uniquement de Tunisie. L’an dernier, plus de 15 nationalités étaient représentées.
Chaque année, à la fin du mois de mai, on fait le lancement du festival en annonçant son retour de manière assez particulière. La première année, par exemple, nous avons fait des happenings avec des artistes tunisiens dans des lieux complètement atypiques : chez un poissonnier, dans un supermarché, sur un toit, … L’année dernière, nous avons utilisé un truck, un camion de hot-dogs et nous avons installé un dj dedans et fait le tour de la Tunisie avec, en distribuant des goodies. L’année d’avant, nous avions fait une chasse aux trésors à Sidi Bou Saïd. On joue un peu sur l’effet de surprise, donc je ne révélerais pas encore ce que nous préparons cette année (rires)!
La Nuit des étoiles propose, encore une fois, un parcours atypique. Vous travaillez actuellement sur sa 3e édition. Comment cet événement a-t-il été initié?
L’an dernier, Moez Mrabet, directeur du festival de Hammamet, m’a contactée pour que je propose quelque chose de off pour le festival. J’ai proposé un parcours dans le parc du centre culturel de Hammamet, dans lequel les gens se baladeraient et tomberaient sur des spectacles. Il m’a alors parlé de Selim Ben Safia, qui fait des choses similaires, notamment "Hors-Lits", avec qui je me suis associée. Il est dans le milieu de la danse, moi plus de la musique, nous avons créé la Nuit des étoiles ensemble.
Il s’agit de faire découvrir, toute une soirée, des lieux culturels à travers leurs endroits cachés. Nous avons fait appel à des artistes du théâtre, de la musique, de la danse, réalisant des installations et performances.
L’événement a amené 300 personnes alors que nous en attendions 50! On a, par la suite, reproduit ce même principe avec une thématique et des artistes différents. Lors de la dernière édition nous avons pu faire 2 représentations, nous avons aussi pris le parti de ramener des artistes très jeunes.
Vous vous rendez souvent à Paris, y a-t-il des événements parisiens justement, ou même étrangers, qui ont pu Vous inspirer dans la réalisation de ces projets?
Oui beaucoup, la "ZAT" (Zone Artistique Temporaire) à Montpellier, "Paris face cachée" qui fait découvrir plusieurs endroits de manière complètement décalée. La "Nuit blanche" qui est un très bon exemple pour animer la ville. J’aime beaucoup ces projets là car ils continuent à se développer. Paris m’a donné de l’inspiration, des envies de projets…
Mon père est metteur en scène et ma mère comédienne et dramaturge. J’ai toujours vécu là-dedans, mais c’est vraiment à Paris que j’ai développé mes projets, envies, contacts, réseaux, même avec des tunisiens. Prendre du recul par rapport à ton propre pays et voir ce qu’il se passe ailleurs te relance le cerveau, te donne d’autres envies.
Une de mes envies est d’ailleurs de mettre en place en Tunisie une formation comme celle que j’ai suivie à Paris. Il faut inculquer le fait qu’il y ait des métiers derrière la scène, et pas seulement celui d’artiste. La médiation, la coordination, la communication, sont très importantes. Il y a un manque au niveau de la formation.
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