Difficile de passer à côté des dessins d'Emma sur Facebook. À la veille de la sortie de son livre, le 9 mai, la dessinatrice a publié une nouvelle salve de dessins sous le titre "Fallait demander". Elle s'intéresse cette fois-ci au partage des tâches ménagères et à la "charge mentale" qui pèse sur les femmes, obligées de tout prévoir.
En quelques heures seulement, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà commenté ou apprécié cette publication et à l'heure où cet article est publié, cette BD continue à être très partagée. "C'est un sujet du quotidien qui nous touche tous, même les non militants, et cela éveille les consciences car il s'agit d'un problème politique", affirme Emma au HuffPost pour expliquer le succès de cette histoire. Un succès fulgurant pour une artiste quasi-inconnue.
Une "dessinatrice féministe et révolutionnaire"
Depuis un peu plus d'un an, cette dessinatrice française de 36 ans partage des bandes dessinées sur les réseaux sociaux. Ingénieure-informaticienne le jour, elle dessine à ses heures perdues. Emma se définit comme une "dessinatrice féministe et révolutionnaire". "L'oppression me touche car je suis une femme donc légitime pour en parler. Je suis révolutionnaire car je ne crois pas que l'on puisse régler les problèmes en partant d'un système qui ne fonctionne pas: il faut du neuf et du collectif ", raconte la dessinatrice au HuffPost.
Maternité, sexualité ou encore violences policières, dans ses dessins, elle aborde tous les sujets qui lui tiennent à cœur. "Le point commun de tous mes sujets est de mettre avant des situations qui mettent les personnes en difficulté. Ces situations ne sont pas dues au hasard, mais à un système qui ne fonctionne pas", explique-t-elle encore au HuffPost.
La dessinatrice met entre un jour et une semaine pour trouver et cerner son sujet. "Je trouve mes informations un peu partout, j'écoute beaucoup France Culture, je lis Mediapart et les articles qui tournent dans mes cercles militants. Je lis aussi beaucoup le blog Crêpe Georgette. Sur les questions féministes, c'est ma référence. Mais surtout je discute avec les gens", explique Emma. Après cela seulement, la dessinatrice prend ses crayons en main.
Des "dessins moches" et engagés
Dans son premier livre "Un autre regard", on retrouve les histoires dessinées qui l'ont fait connaître ces derniers mois, en particulier sur Facebook. Mises bout à bout, Emma espère donner à lire "une autre façon de voir notre monde pour aboutir collectivement à une autre façon de le faire tourner".
Force est de constater qu'avec ses "dessins moches" comme elle les qualifie elle-même, Emma rassemble toujours plus sur un créneau, les blogs BD, où la concurrence est rude. Mais, la jeune femme, par son ton engagé et politique, est sur un terrain bien différent des stars du milieu comme Margaux Motin ou Mathou.
"Je suis une personne engagée depuis 5 ans déjà mais j'étais fatiguée de devoir en discuter avec des gens qui ne comprenaient pas, c'était usant psychologiquement. Les dessins sont un moyen de toucher tout le monde sans avoir la personne en face, sans problème d'ego et avec le temps de la réflexion", assure Emma au HuffPost.
C'est le cas notamment avec "la fabuleuse histoire de Mohamed" qui retrace le parcours d'un Égyptien blessé lors de l'assaut de Saint-Denis le 18 novembre 2015. "Je suis dans le métro, j'écoute Les Pieds sur Terre sur France Culture. Et j'entends Mohamed raconter comment, en pleine nuit, la police a réduit son immeuble en miettes", écrit-elle comme prélude à cette "fabuleuse histoire". Pour raconter cette histoire, Emma dit avoir rencontré les proches de Mohamed.
Dans "Un banlieusard parmi d'autres" elle raconte l'histoire d'Adama Traoré, dont elle dit aussi avoir rencontré les proches. Ce jeune homme est mort dans la gendarmerie de Persan à la suite d'une interpellation. "Cette BD je l'ai dessiné le cœur serré car perdre un proche est déjà une épreuve, mais le perdre par les actes d'un agent de l'État, officiellement censé nous protéger, et ne jamais trouver réparation ni justice, je ne sais pas comment font les familles pour continuer d'appeler au calme après ça", explique la dessinatrice.
Les petites histoires du clitoris et de l'épisiotomie, efficaces et salutaires
C'est quand elle aborde des sujets qui s'éloignent de l'actualité chaude qu'Emma semble avoir le plus d'écho sur les réseaux sociaux. La dessinatrice fait part de ses découvertes historiques, scientifiques et sociologiques, fruit de ses recherches personnelles. Dans ses publications, elle cite les travaux de certains chercheurs ou spécialistes, scanne la presse et tente de vulgariser quand cela est possible. Les dessins très simples sont là pour mettre en avant un texte, lui, très présent.
Une de ses BD phare, "check ta chatte", est consacrée au clitoris et à combien les femmes et le reste du monde ignorent tout de cet organe.
Sur de tels sujets, elle sert aussi de relais pour partager les histoires que lui confient ses amies, comme par exemple au sujet de la maternité. Elle traite de l'épisiotomie pendant l'accouchement au congé maternité.
Concernant ce premier sujet, elle raconte: "Je pense que beaucoup de femmes se sont reconnues parce qu'elles ne se sont jamais senties comprises dans cette souffrance. J'ai l'impression qu'avec mes dessins j'aide à combler un vide, à faire sortir quelque chose qui a besoin de s'exprimer", affirme-t-elle.
Dans "L'histoire de ma copine C.", la dessinatrice évoque donc cet acte chirurgical pratiqué pendant certains accouchement, l'épisiotomie. Cet acte chirurgical consiste en une petite incision sur la paroi vaginale. Un acte mal vécu par l'amie de la dessinatrice dont elle partage le témoignage.
À la suite de cette publication, la dessinatrice a par ailleurs reçu des dizaines de témoignages de femmes ayant subi une épisiotomie. Elle a partagé sur sa page Facebook quelques uns de ces témoignages.
Toujours sur la maternité, Emma a aussi voulu raconter un peu de son expérience. Une publication qui s'adresse à tous ceux qui croient qu'un congé maternité ressemble à des vacances. Tout a commencé par une phrase prononcée par l'une de ses collègues lorsqu'elle est revenue au travail après la naissance de son fils. Cette collègue s'étonnait de la voir prévoir des vacances.
Dessiner cette mésaventure lui a permis de se "soulager", de partager un peu de cette période délicate pour de nombreuses jeunes mamans.
Charge mentale de prévoir les tâches ménagères, scan du clitoris ou histoire politique, le crayon d'Emma ne s'interdit rien. Et cela n'est pas sans conséquence. En effet, la dessinatrice reçoit évidemment des critiques lors des publications de ses BD. Étonnamment ce sont pas les sujets les plus polémiques, ni politiques qui lui attirent le plus de commentaires négatifs.
"Ma pire expérience est celle sur l'épisiotomie, j'ai reçu des dizaines de commentaires méprisants de sages-femmes et de médecins" qui l'accusaient de faire du "doctissimo". Et pourtant, de nombreuses enquêtes ont pointé du doigt que cet acte chirurgical était souvent mal pratiqué.
En quelques heures seulement, des dizaines de milliers de personnes avaient déjà commenté ou apprécié cette publication et à l'heure où cet article est publié, cette BD continue à être très partagée. "C'est un sujet du quotidien qui nous touche tous, même les non militants, et cela éveille les consciences car il s'agit d'un problème politique", affirme Emma au HuffPost pour expliquer le succès de cette histoire. Un succès fulgurant pour une artiste quasi-inconnue.
Une "dessinatrice féministe et révolutionnaire"
Depuis un peu plus d'un an, cette dessinatrice française de 36 ans partage des bandes dessinées sur les réseaux sociaux. Ingénieure-informaticienne le jour, elle dessine à ses heures perdues. Emma se définit comme une "dessinatrice féministe et révolutionnaire". "L'oppression me touche car je suis une femme donc légitime pour en parler. Je suis révolutionnaire car je ne crois pas que l'on puisse régler les problèmes en partant d'un système qui ne fonctionne pas: il faut du neuf et du collectif ", raconte la dessinatrice au HuffPost.
Maternité, sexualité ou encore violences policières, dans ses dessins, elle aborde tous les sujets qui lui tiennent à cœur. "Le point commun de tous mes sujets est de mettre avant des situations qui mettent les personnes en difficulté. Ces situations ne sont pas dues au hasard, mais à un système qui ne fonctionne pas", explique-t-elle encore au HuffPost.
La dessinatrice met entre un jour et une semaine pour trouver et cerner son sujet. "Je trouve mes informations un peu partout, j'écoute beaucoup France Culture, je lis Mediapart et les articles qui tournent dans mes cercles militants. Je lis aussi beaucoup le blog Crêpe Georgette. Sur les questions féministes, c'est ma référence. Mais surtout je discute avec les gens", explique Emma. Après cela seulement, la dessinatrice prend ses crayons en main.
Des "dessins moches" et engagés
Dans son premier livre "Un autre regard", on retrouve les histoires dessinées qui l'ont fait connaître ces derniers mois, en particulier sur Facebook. Mises bout à bout, Emma espère donner à lire "une autre façon de voir notre monde pour aboutir collectivement à une autre façon de le faire tourner".
Force est de constater qu'avec ses "dessins moches" comme elle les qualifie elle-même, Emma rassemble toujours plus sur un créneau, les blogs BD, où la concurrence est rude. Mais, la jeune femme, par son ton engagé et politique, est sur un terrain bien différent des stars du milieu comme Margaux Motin ou Mathou.
"Je suis une personne engagée depuis 5 ans déjà mais j'étais fatiguée de devoir en discuter avec des gens qui ne comprenaient pas, c'était usant psychologiquement. Les dessins sont un moyen de toucher tout le monde sans avoir la personne en face, sans problème d'ego et avec le temps de la réflexion", assure Emma au HuffPost.
C'est le cas notamment avec "la fabuleuse histoire de Mohamed" qui retrace le parcours d'un Égyptien blessé lors de l'assaut de Saint-Denis le 18 novembre 2015. "Je suis dans le métro, j'écoute Les Pieds sur Terre sur France Culture. Et j'entends Mohamed raconter comment, en pleine nuit, la police a réduit son immeuble en miettes", écrit-elle comme prélude à cette "fabuleuse histoire". Pour raconter cette histoire, Emma dit avoir rencontré les proches de Mohamed.
Dans "Un banlieusard parmi d'autres" elle raconte l'histoire d'Adama Traoré, dont elle dit aussi avoir rencontré les proches. Ce jeune homme est mort dans la gendarmerie de Persan à la suite d'une interpellation. "Cette BD je l'ai dessiné le cœur serré car perdre un proche est déjà une épreuve, mais le perdre par les actes d'un agent de l'État, officiellement censé nous protéger, et ne jamais trouver réparation ni justice, je ne sais pas comment font les familles pour continuer d'appeler au calme après ça", explique la dessinatrice.
Les petites histoires du clitoris et de l'épisiotomie, efficaces et salutaires
C'est quand elle aborde des sujets qui s'éloignent de l'actualité chaude qu'Emma semble avoir le plus d'écho sur les réseaux sociaux. La dessinatrice fait part de ses découvertes historiques, scientifiques et sociologiques, fruit de ses recherches personnelles. Dans ses publications, elle cite les travaux de certains chercheurs ou spécialistes, scanne la presse et tente de vulgariser quand cela est possible. Les dessins très simples sont là pour mettre en avant un texte, lui, très présent.
Une de ses BD phare, "check ta chatte", est consacrée au clitoris et à combien les femmes et le reste du monde ignorent tout de cet organe.
Sur de tels sujets, elle sert aussi de relais pour partager les histoires que lui confient ses amies, comme par exemple au sujet de la maternité. Elle traite de l'épisiotomie pendant l'accouchement au congé maternité.
Concernant ce premier sujet, elle raconte: "Je pense que beaucoup de femmes se sont reconnues parce qu'elles ne se sont jamais senties comprises dans cette souffrance. J'ai l'impression qu'avec mes dessins j'aide à combler un vide, à faire sortir quelque chose qui a besoin de s'exprimer", affirme-t-elle.
Dans "L'histoire de ma copine C.", la dessinatrice évoque donc cet acte chirurgical pratiqué pendant certains accouchement, l'épisiotomie. Cet acte chirurgical consiste en une petite incision sur la paroi vaginale. Un acte mal vécu par l'amie de la dessinatrice dont elle partage le témoignage.
À la suite de cette publication, la dessinatrice a par ailleurs reçu des dizaines de témoignages de femmes ayant subi une épisiotomie. Elle a partagé sur sa page Facebook quelques uns de ces témoignages.
Toujours sur la maternité, Emma a aussi voulu raconter un peu de son expérience. Une publication qui s'adresse à tous ceux qui croient qu'un congé maternité ressemble à des vacances. Tout a commencé par une phrase prononcée par l'une de ses collègues lorsqu'elle est revenue au travail après la naissance de son fils. Cette collègue s'étonnait de la voir prévoir des vacances.
Dessiner cette mésaventure lui a permis de se "soulager", de partager un peu de cette période délicate pour de nombreuses jeunes mamans.
Charge mentale de prévoir les tâches ménagères, scan du clitoris ou histoire politique, le crayon d'Emma ne s'interdit rien. Et cela n'est pas sans conséquence. En effet, la dessinatrice reçoit évidemment des critiques lors des publications de ses BD. Étonnamment ce sont pas les sujets les plus polémiques, ni politiques qui lui attirent le plus de commentaires négatifs.
"Ma pire expérience est celle sur l'épisiotomie, j'ai reçu des dizaines de commentaires méprisants de sages-femmes et de médecins" qui l'accusaient de faire du "doctissimo". Et pourtant, de nombreuses enquêtes ont pointé du doigt que cet acte chirurgical était souvent mal pratiqué.
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