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100 mesures pour endiguer les violences envers les femmes en Tunisie

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Un guide de 100 mesures pour enrayer les violences à l'égard des femmes a été présenté, le 12 mai, par l'association tunisienne des Femmes Démocrates (ATFD) et la Fédération internationales des Droits de l'Homme (FIDH). 100 propositions qui constituent le socle des revendications féministes en la matière et l'aboutissement de longues années de travail sur cette thématique auprès des victimes, entamées avec la création en 1993 par l'ATFD du "centre d’écoute et d’orientation des femmes victimes de violences."

Si le phénomène est ancien et ancré dans la société, consolidé par un patriarcat qui chosifie la femme, la recrudescence de la violence ces dernières années dans le sillage de la révolution est particulièrement alarmante, note le guide. À titre d'exemple, entre 2010 et 2015, près de 53% des femmes ont été violentées dans l'espace public et près de 8 femmes sur 10 ont subi une violence sexuelle, dans le transport public en particulier, a révélé l'enquête du CREDIF de 2016.

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Alors que la mobilisation de la société civile est à son apogée pour freiner ces violences, la loi intégrale qui constituera l'assise juridique de cette lutte, peine à voir le jour. Le projet de loi est en train d'être examiné par la commission des Droits et des Libertés à l'ARP.

Capitalisant sur son expérience, l'ATFD avec le soutien de la FIDH entend appuyer l'adoption de cette loi et démonter" les amalgames", "confusions", "approches différentes allant de 'l’assistance caritative' au 'buzz' des émissions de téléréalité, aux jugements moralistes et aux discours banalisant et légitimant les violences contre les femmes", partant de la conviction que la violence tue, a un coût et a des conséquences désastreuses sur la victime, ses enfants et la société entière, souligne le guide.


Intitulé "Guide des 100 mesures pour l'éradication des violences à l'encontre des femmes et des petites filles", le rapport a été chapeauté par Halima Jouini et Monia Kari avec un groupe de travail constitué de Ahlem Belhaj, Amira Nefzaoui, Emna Hraisi, Hafidha Chekir, Monia Ben Jémia, Raja Mrad, Samia Ben Messoud, Sana Ben Achour, Sophie Bessis et Yosra Frawes.

Il comprend quatre volets: Prévention, protection, prise en charge et accompagnement et enfin pénalisation.

Le HuffPost Tunisie a sélectionné quelques points essentiels de ce guide, disponible en entier sur le site de la FIDH.

La prévention

Le guide insiste sur l'urgence d'entamer la réforme des lois archaïques contenues dans le code pénal ou encore du code de Statut Personnel (CSP), soulignant que l'éradication de la violence doit s'intégrer dans un cadre législatif global qui consacre l'égalité, la liberté et la dignité des femmes.

D'où l'appel à lever la réserve générale sur la convention Internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW):

"La Tunisie a formulé des réserves générales et spéciales à l’encontre de certaines dispositions de cette convention, (articles 9,15, 16 et 29) qu’elle a levées en 2011, à l‘exception de la Déclaration ou réserve générale visant à ne pas prendre des dispositions juridiques qui vont à l’encontre de l’article premier de la Constitution selon lequel: "La Tunisie est un "État libre, indépendant et souverain, sa religion est l’Islam, sa langue l’arabe et son régime, la République". Le maintien de cette réserve visant clairement le référent religieux traduit une résistance à l’égalité et une obstination à maintenir les discriminations à l’égard des femmes. Une interprétation positive de l’article 1 en harmonie avec l’article 2 qui consacre la nature civile de l’État permet de rejeter la lecture que l’Islam est la religion de l’État".


Le guide appelle à ratifier un ensemble de conventions dont la plus emblématique est la convention d'Istanbul pour la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique.

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Autre chantier évoqué, le CSP et son cortège de lois qui consacrent l'inégalité homme/ femme comme le maintien de la dot pour la consommation du mariage. Le mari comme chef de famille, ce qui entraine que si sa femme le quitte sans son autorisation, "elle est en état de nouchouz", insubordination. Son mari peut alors demander et obtenir le divorce pour faute, conformément à une jurisprudence constante et ce, malgré l’abolition du devoir d’obéissance de la femme en 1993", fustige-t-on.

On revendique l'institution d'une autorité parentale partagée, l'attribution des mêmes conditions de la garde des enfants aux deux parents, l'égalité dans l’héritage, la liberté de mariage par l’abrogation de la circulaire interdisant le mariage de la tunisienne avec un non musulman, etc.

L'amélioration des conditions de travail des femmes rurales est aussi une priorité: "Les résultats de l’enquête menée et publiée par l’ATFD en 2014 sous le titre 'ENQUÊTE SUR LES CONDITIONS DE TRAVAIL DES FEMMES EN MILIEU RURAL', ont montré que 'le travail agricole est souvent caractérisé par ses difficultés et par la précarité de ses conditions qui se manifestent entre autres par une faible rémunération, une exploitation intensive et une quasi-absence des droits sociaux mais aussi par des rapports violents à l’encontre des femmes', souligne le guide.


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Le changement des mentalités est tributaire selon ces organisations d'une réforme éducative qui inculque les valeurs humaines de liberté, d'égalité, etc. L'éducation sexuelle est une partie intégrante de cette réforme; "tout ce qui relève de la sexualité reste tabou dans notre société. Ainsi, trop peu de jeunes reçoivent une préparation suffisante dans le domaine de la sexualité, ce qui les rend vulnérables à la contrainte, aux abus, aux violences, à l’exploitation, à des grossesses non désirées et à des infections sexuellement transmissibles", s'alarme-t-on.


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Protection

Les victimes de violence sont souvent livrées à elles-mêmes, ce qui accentue leur vulnérabilité et les rendent objets de manipulation visant à les culpabiliser ou à les faire taire, d'où l'appel à renforcer leur protection.

L'Etat est amené à "obliger et encourager le signalement et la consignation de tout acte de violence à l’égard des femmes: les règles de confidentialité imposées à certains professionnels (avocats, médecins, sages-femmes etc.) ne constituent pas un obstacle à la possibilité, dans les conditions appropriées, d’adresser un signalement aux organisations ou autorités compétentes s’ils ont de sérieuses raisons de croire qu’un acte grave de violence a été commis et que de nouveaux actes de violence sont à craindre".

Autre défaillance pointée du doigt, la police judiciaire, cette dernière "doit faire preuve de diligence lors de la réception des plaintes: La PJ est dans l’obligation légale de recueillir les déclarations de la victime avec neutralité bienveillante et loyauté. Pour l’effectivité de cette mesure, il s’avère nécessaire de prévoir des sanctions pénales et administratives contre l’officier de la police judiciaire qui refuse de consigner la plainte de la victime, change son contenu ou exerce sur elle toutes sortes de contrainte pour qu’elle renonce à ses droits garantis par la loi".

Prendre en charge

L'accompagnement de la victime doit être sur tous les niveaux; judiciaire, sociale, psychologique "en prenant au sérieux la souffrance et l’état de détresse de la victime, et évaluer le danger et les risques qu’elle court", "de prendre garde à ne pas les sous-estimer, ni à considérer que la victime les surévalue" et "être attentif à ne pas générer de souffrance par des comportements, des propos ou un vocabulaire inadapté. Une évaluation objective de la situation de la victime aide l’intervenant (e) à identifier les bonnes solutions".

Pénalisation

Les ONG rappellent que le code pénal date de 1913, ce qui signifie qu'il "est resté, par certains aspects, immuable, renfermant à travers les différents épisodes de son histoire, un socle de valeurs incompressibles, considérant les violences à l’encontre des femmes plus comme une atteinte à l’honneur des hommes, que comme une agression commise contre les droits et les libertés d’une personne: La loi organique pour l’éradication des violences à l’égard des femmes devrait apporter une modification profonde du code pénal tunisien", signale-t-on au préalable.

Un code pénal est miné par des non-dits (l'inceste par exemple) ou des expressions inadaptées, pire encore qui dénotent d'une vision des crimes fondée sur les dogmes de l'honneur, des bonnes moeurs et non comme d'abord une violation de l'intégrité physique et morale de la personne.


À titre d'exemples;

- Le Code pénal tunisien place les violences sexuelles dans un chapitre intitulé "De l’attentat à la pudeur". "Cet intitulé permet de diminuer la gravité de l’agression sexuelle en en faisant une simple atteinte à l’honneur et à l’ordre moral. Or les violences sexuelles commises contre les femmes et les enfants ont des conséquences dramatiques, sur leur santé, physique et mentale", note le guide.

-"Le viol est sévèrement réprimé dans le code pénal tunisien. Néanmoins, conformément à l’article 227 du Code Pénal dans sa version arabe qui seule fait foi, le viol est l’acte sexuel imposé à une personne de sexe féminin". Selon le législateur tunisien :
seules les femmes peuvent être victimes de viol, le viol est acte de pénétration vaginale, le viol est un acte subi sous la contrainte et/ou la violence. Ces éléments qu’on peut dégager de l’article 227 ainsi que de son application par les juridictions tunisiennes restent insuffisants s’ils ne sont pas complétés par: La reconnaissance du viol comme une atteinte à l’intégrité physique, sexuelle et morale de la victime qu’elle soit de sexe féminin ou masculin ou autre et non comme une atteinte aux bonnes mœurs et l’élargissement de l’éventail des actes constitutifs du crime de viol dont la sodomie, le viol par voie anale ou par tout autre moyen".

- "Le harcèlement sexuel est incriminé dans une section intitulée outrage public à la pudeur, et ce, depuis 2004. Outre qu’elle ne s’inscrit pas dans le cadre des atteintes sexuelles à l’intégrité physique et morale de la personne, la définition du harcèlement sexuel est imparfaite dans la mesure où elle exige des actes répétés ou des pressions morales dans un but sexuel. Pour cela il faudrait considérer comme harcèlement sexuel tout acte, parole, geste à connotation sexuelle subi par une femme même une seule fois, dans le cadre professionnel (par un collègue ou supérieur hiérarchique), éducatif ou dans le cadre de la fourniture de biens et de services".

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