Le premier forum international organisé par le site d’information Huffpost Maghreb a rassemblé jeudi 1er juin à l’Institut du monde arabe (IMA) à Paris vingt personnalités venues du Maroc, Algérie et Tunisie pour échanger et débattre de leurs engagements et de leurs actions qui participent à faire bouger les lignes de leurs sociétés. Le Huffington Post Algérie y était et vous refait vivre les temps forts de cette riche journée de rencontres.
L’imposant bâtiment métallique aux motifs orientaux de l’Institut du monde arabe brille de loin, en ce jeudi 1er juin, grâce à un temps ensoleillé digne du Sud de la Méditerranée. Sous ce ciel bleu éclatant, la vue sur Paris du dernier étage du monument, où se tient le forum du Huffpost Maghreb, en est d’autant plus saisissante. Dans cette douce atmosphère, le public s’installe tranquillement sur les chaises installées face à une scène surmontées d’un écran géant, au derrière desquels se détache la silhouette de Notre Dame de Paris. Il est bientôt 15 heures et le forum intitulé "Repenser le vivre ensemble" va commencer.
Dépasser les frontières et barrières
"Ce forum sur les femmes du Maghreb est une nécessité", a salué Jack Lang, directeur de l’Institut du monde arabe, dans son mot d’introduction, en évoquant la construction d’un Maghreb réunifié "malheureusement en panne politiquement". "Mais, à travers vous qui représentez ce Maghreb de la création, on sent renaître cette ambition", a-t-il souligné. "Dialoguer, se rencontrer, dire les expériences concrètes dans chacun des pays offre un moment rare d’ouverture d’esprit et d’espoir", conclura le directeur de l’IMA.
Une ouverture que le Huffpost Maghreb – qui rassemble les contenus des Huffington Post Algérie, Tunisie et Maroc - a toujours revendiqué comme plateforme d’échanges, depuis sa création en 2013 a rappelé Alix Etournaud, fondatrice du Huffpost Maghreb. "Mettre aujourd’hui l’accent sur les défis du vivre ensemble nous a semblé une évidence dans une période où l’individualisme et la tentation du repli sur soi font un retour en force" a-t-elle souligné dans son interlocution.
Des parcours engagés
L’après-midi a été rythmée par trois tables rondes réunissant les vingt intervenantes en fonction de leurs domaines d’activités : culture, éducation, droits des femmes, entrepreneuriat.
La première intitulée "Femmes et société civile" a permis au quelque deux cent auditeurs de découvrir cinq projets portées par des personnalités maghrébines de tous âges. De l’association Al Karam qui aide les enfants des rues de Marrakech présidée par Karima Mkika à la Ferme thérapeutique tunisienne Gaïa pour enfants handicapés fondée par Leïla Riahi Gaieb en passant par la maison d’Edition algérienne Dalimen créée par Dalila Nedjem, toutes ces initiatives utilisent la culture et l’éducation comme leviers d’inclusion. Interrogées sur les liens entre leurs projets et leurs différents pays, les intervenantes ont unanimement souligné "une très bonne entente entre nos peuples", égratignant au passage les "médias qui en rajoutent un peu".
La seconde table ronde a dressé un état des lieux des questions de contraception et sexualité dans les sociétés maghrébines avec trois femmes engagées sur le terrain : Sonia Ben Cheikh, présidente de l’Office national de la famille et de la population du ministère de la santé tunisien, Nadia Aït Zaï, avocate et directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef) à Alger et Soumaya Naamane-Guessous, sociologue qui a travaillé sur les mères célibataires au Maroc. Les discussions était accompagnées par les dessins de Daiffa, caricaturiste originaire d’El Koléa en Algérie qui dénonce avec humour et ironie des situations de la condition des femmes.
En Algérie, la contraception moderne a diminué entre 2006 et 2015 a exposé Nadia Aït Zaï soulignant que l’utilisation du préservatif masculin comme moyen de contraception est extrêmement faible avec un de 1,5%. Plusieurs facteurs expliquent cette baisse de la contraception a pointé la directrice du Ciddef en énumérant notamment le recul de l’action du planning familial, l’absence de sensibilisation, etc. "La société algérienne comme toutes les sociétés du Maghreb est en effervescence car elle essaye d’allier les traditions à la modernité", a déclaré Nadia Aït Zaït. "La société civile est dynamique mais le politique doit suivre cette dynamique pour permettre une véritable évolution".
Enfin, la dernière table-ronde a été consacrée à "L’entreprise au féminin" avec le récit de quatre femmes investies dans les affaires ainsi que la microfinance. Lamia Merzouki, directrice générale adjoint de Casablanca Finance City Authority est ainsi revenue sur son parcours et Essma Ben Hamida a raconté comment elle a créé en 1995 la première institution de microfinance en Tunisie, Enda Inter-Arabe spécialisée dans l’aide aux micro-projets.
Un public attentif et critique
L’auditoire venu nombreux au forum a apprécié la qualité des invitées et la pertinence des interventions, comme en témoigne Naïma Korchi, juriste et présidente du Africa Women’s Forum. "C’est intéressant de parler de luttes de femmes qui s’attaquent aux problématiques de la société dans son ensemble et de les entendre comme citoyenne avant tout ", affirme Naïma Korchi à propos de la première table ronde. Lectrice fidèle du Huffpost Maghreb, elle confie être venue à ce forum pour "mettre à jour ses connaissances et rencontrer d’autres militantes" qui, comme elle, souhaitent valoriser les expertises des femmes sur le continent africain. Et à la vitesse où elle distribue ses cartes de visite entre les deux tables rondes, il semble que son objectif de mise en relation ait été atteint.
Plus que pour apprendre, Ibtissame Betty Lachgar est venue pour se faire entendre. Activiste féministe, universaliste, comme elle se présente lors de sa prise de parole au micro, elle attaque le relativisme culturel mise en avant par certaines intervenantes de la seconde table ronde autour de "sexualité et contraception" et déplore aussi certains silences. "On ne peut pas parler de sexualité sans évoquer les homosexuels", nous explique-t-elle à la pause, en fulminant encore. Cofondatrice du "Mouvement alternatif pour les libertés individuelles" (M.A.L.I) au Maroc, Ibtissame Betty Lachgar, qui vit entre Casablanca et Paris, regrette l’absence des activistes et représentantes de nouveaux mouvements féministes dans le choix des intervenantes. "Je suis donc venue pour prendre la parole et dire que l’on existe", pointe la militante qui s’élève contre un "féminisme d’Etat".
Attirées par sa verve, Aïcha et Linda, deux amies d’origine algériennes, se sont rapprochées de la discussion et interrogent Ibtissame sur ses idées. Habituée de l’Institut du monde arabe, Aïcha est venue assister au forum car elle a été attirée par le titre sur le "vivre ensemble" : "J’ai voulu savoir quelles étaient les évolutions". Les deux amies regrettent cependant une certaine réduction, dans les discours, de la religion musulmane comme frein à la modernité. "On peut être musulman tout en étant inscrit dans la modernité", relève Linda. "C’est mon cas".
L’imposant bâtiment métallique aux motifs orientaux de l’Institut du monde arabe brille de loin, en ce jeudi 1er juin, grâce à un temps ensoleillé digne du Sud de la Méditerranée. Sous ce ciel bleu éclatant, la vue sur Paris du dernier étage du monument, où se tient le forum du Huffpost Maghreb, en est d’autant plus saisissante. Dans cette douce atmosphère, le public s’installe tranquillement sur les chaises installées face à une scène surmontées d’un écran géant, au derrière desquels se détache la silhouette de Notre Dame de Paris. Il est bientôt 15 heures et le forum intitulé "Repenser le vivre ensemble" va commencer.
Dépasser les frontières et barrières
"Ce forum sur les femmes du Maghreb est une nécessité", a salué Jack Lang, directeur de l’Institut du monde arabe, dans son mot d’introduction, en évoquant la construction d’un Maghreb réunifié "malheureusement en panne politiquement". "Mais, à travers vous qui représentez ce Maghreb de la création, on sent renaître cette ambition", a-t-il souligné. "Dialoguer, se rencontrer, dire les expériences concrètes dans chacun des pays offre un moment rare d’ouverture d’esprit et d’espoir", conclura le directeur de l’IMA.
Une ouverture que le Huffpost Maghreb – qui rassemble les contenus des Huffington Post Algérie, Tunisie et Maroc - a toujours revendiqué comme plateforme d’échanges, depuis sa création en 2013 a rappelé Alix Etournaud, fondatrice du Huffpost Maghreb. "Mettre aujourd’hui l’accent sur les défis du vivre ensemble nous a semblé une évidence dans une période où l’individualisme et la tentation du repli sur soi font un retour en force" a-t-elle souligné dans son interlocution.
Des parcours engagés
L’après-midi a été rythmée par trois tables rondes réunissant les vingt intervenantes en fonction de leurs domaines d’activités : culture, éducation, droits des femmes, entrepreneuriat.
La première intitulée "Femmes et société civile" a permis au quelque deux cent auditeurs de découvrir cinq projets portées par des personnalités maghrébines de tous âges. De l’association Al Karam qui aide les enfants des rues de Marrakech présidée par Karima Mkika à la Ferme thérapeutique tunisienne Gaïa pour enfants handicapés fondée par Leïla Riahi Gaieb en passant par la maison d’Edition algérienne Dalimen créée par Dalila Nedjem, toutes ces initiatives utilisent la culture et l’éducation comme leviers d’inclusion. Interrogées sur les liens entre leurs projets et leurs différents pays, les intervenantes ont unanimement souligné "une très bonne entente entre nos peuples", égratignant au passage les "médias qui en rajoutent un peu".
La seconde table ronde a dressé un état des lieux des questions de contraception et sexualité dans les sociétés maghrébines avec trois femmes engagées sur le terrain : Sonia Ben Cheikh, présidente de l’Office national de la famille et de la population du ministère de la santé tunisien, Nadia Aït Zaï, avocate et directrice du Centre d’information et de documentation sur les droits de l’enfant et de la femme (Ciddef) à Alger et Soumaya Naamane-Guessous, sociologue qui a travaillé sur les mères célibataires au Maroc. Les discussions était accompagnées par les dessins de Daiffa, caricaturiste originaire d’El Koléa en Algérie qui dénonce avec humour et ironie des situations de la condition des femmes.
En Algérie, la contraception moderne a diminué entre 2006 et 2015 a exposé Nadia Aït Zaï soulignant que l’utilisation du préservatif masculin comme moyen de contraception est extrêmement faible avec un de 1,5%. Plusieurs facteurs expliquent cette baisse de la contraception a pointé la directrice du Ciddef en énumérant notamment le recul de l’action du planning familial, l’absence de sensibilisation, etc. "La société algérienne comme toutes les sociétés du Maghreb est en effervescence car elle essaye d’allier les traditions à la modernité", a déclaré Nadia Aït Zaït. "La société civile est dynamique mais le politique doit suivre cette dynamique pour permettre une véritable évolution".
Enfin, la dernière table-ronde a été consacrée à "L’entreprise au féminin" avec le récit de quatre femmes investies dans les affaires ainsi que la microfinance. Lamia Merzouki, directrice générale adjoint de Casablanca Finance City Authority est ainsi revenue sur son parcours et Essma Ben Hamida a raconté comment elle a créé en 1995 la première institution de microfinance en Tunisie, Enda Inter-Arabe spécialisée dans l’aide aux micro-projets.
Un public attentif et critique
L’auditoire venu nombreux au forum a apprécié la qualité des invitées et la pertinence des interventions, comme en témoigne Naïma Korchi, juriste et présidente du Africa Women’s Forum. "C’est intéressant de parler de luttes de femmes qui s’attaquent aux problématiques de la société dans son ensemble et de les entendre comme citoyenne avant tout ", affirme Naïma Korchi à propos de la première table ronde. Lectrice fidèle du Huffpost Maghreb, elle confie être venue à ce forum pour "mettre à jour ses connaissances et rencontrer d’autres militantes" qui, comme elle, souhaitent valoriser les expertises des femmes sur le continent africain. Et à la vitesse où elle distribue ses cartes de visite entre les deux tables rondes, il semble que son objectif de mise en relation ait été atteint.
Plus que pour apprendre, Ibtissame Betty Lachgar est venue pour se faire entendre. Activiste féministe, universaliste, comme elle se présente lors de sa prise de parole au micro, elle attaque le relativisme culturel mise en avant par certaines intervenantes de la seconde table ronde autour de "sexualité et contraception" et déplore aussi certains silences. "On ne peut pas parler de sexualité sans évoquer les homosexuels", nous explique-t-elle à la pause, en fulminant encore. Cofondatrice du "Mouvement alternatif pour les libertés individuelles" (M.A.L.I) au Maroc, Ibtissame Betty Lachgar, qui vit entre Casablanca et Paris, regrette l’absence des activistes et représentantes de nouveaux mouvements féministes dans le choix des intervenantes. "Je suis donc venue pour prendre la parole et dire que l’on existe", pointe la militante qui s’élève contre un "féminisme d’Etat".
Attirées par sa verve, Aïcha et Linda, deux amies d’origine algériennes, se sont rapprochées de la discussion et interrogent Ibtissame sur ses idées. Habituée de l’Institut du monde arabe, Aïcha est venue assister au forum car elle a été attirée par le titre sur le "vivre ensemble" : "J’ai voulu savoir quelles étaient les évolutions". Les deux amies regrettent cependant une certaine réduction, dans les discours, de la religion musulmane comme frein à la modernité. "On peut être musulman tout en étant inscrit dans la modernité", relève Linda. "C’est mon cas".
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