Quantcast
Channel: L'actu Tunisie sur HuffPost Maghreb
Viewing all articles
Browse latest Browse all 7580

Qatar: Donald Trump est-il derrière la décision d'isoler diplomatiquement le pays?

$
0
0
INTERNATIONAL - "Il est important que ces pays restent unis". C'est par ces propos plutôt mesurés que le secrétaire d'État américain Rex Tillerson a réagi ce lundi 5 juin à la rupture des liens diplomatiques entre le Qatar, accusé de soutenir le terrorisme, et trois pays du Golfe, ainsi que l'Égypte. Malgré ce commentaire timide, les regards se tournent avec insistance vers Washington, qui a laissé quelques empreintes dans la chronologie de cette crise sans précédent.

Le séisme diplomatique intervient un peu plus de deux semaines après la visite du président américain en Arabie saoudite, son premier déplacement à l'étranger. À Ryad, Donald Trump n'a pas seulement signé des accords commerciaux, notamment des contrats de ventes d'armements, à plusieurs milliards de dollars. Il s'est aussi employé à réchauffer les relations entre son pays et l'Arabie saoudite, en lui donnant une place de leader du Moyen-Orient dans la lutte contre le terrorisme.

Dans un discours prononcé le 21 mai devant des dirigeants du monde musulman, le président américain a appelé à "chasser" les extrémistes et "les terroristes", et demandé à la communauté internationale "d'isoler" l'Iran.



L'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad Al-Thani, s'est entretenu en tête-à-tête avec Donald Trump à Ryad le même jour. D'après l'agence AP, le terrorisme n'était pas au programme de leur discussion, qui tournait plutôt autour de l'achat éventuel d'équipement militaire par le Qatar - de quoi créer des emplois aux États-Unis. Les deux États sont de proches alliés, les États-Unis ayant déployé près de 10.000 militaires dans cet émirat, sur la base aérienne d'Al-Udeid.

En marge de ce déplacement pourtant, Doha s'était dit victime d'une campagne calomnieuse de certains médias qui l'auraient accusé de "soutien" au terrorisme. "À la veille de la visite de M. Trump au Moyen-Orient, un plan orchestré par des organisations anti-Qatar dans diverses publications (...) a prétendu que le Qatar voyait avec sympathie, ou neutralité, les actions de groupes terroristes au Moyen-Orient", déplorait un communiqué, sans donner aucun exemple d'articles ni d'"organisations anti-Qatar".

Des propos anti-Trump prêtés à l'émir

Les accusations ont redoublé trois jours plus tard, le 24 mai, après la publication de déclarations retentissantes attribuées à l'émir du Qatar et publiées par l'agence QNA, puis démenties par Doha qui a dénoncé une cyberattaque.

Ces propos controversés rompaient avec le consensus régional notamment au sujet de l'Iran, vu comme un allié stratégique alors qu'il venait d'être accusé par l'Arabie saoudite d'être "le fer de lance du terrorisme". Ils contenaient aussi des commentaires négatifs sur les relations entre l'administration de Donald Trump et le Qatar.

Malgré un démenti officiel, qualifiant les propos prêtés à l'émir de "faux" et d'"infondés", les chaînes de télévision à capitaux saoudiens et émiratis, respectivement Al-Arabiya et Sky News Arabia, ont continué à diffuser en boucle de larges extraits du prétendu discours, accompagnés de commentaires d'analystes et d'experts.

Des "articles d'opinion" anti-Qatar aux États-Unis

L'onde de choc se répand ensuite. Tandis que le quotidien émirati Al-Bayane titre son édition du 25 mai "Le Qatar divise les Arabes" et que le journal saoudien Al-Hayat affirme que les propos prêtés à l'émir ont provoqué "une indignation à grande échelle", le ministre qatari des Affaires étrangères, cheikh Mohamed ben Abderrahmane Al-Thani, continue de dénoncer "une campagne médiatique hostile à l'État du Qatar" menée "notamment aux États-Unis".

"Il est surprenant que pendant les cinq dernières semaines, il y a eu aux États-Unis 13 articles d'opinion sur le Qatar" et que "le jour du piratage de l'agence QNA, une conférence sur le Qatar s'est tenue en notre absence mais en présence des auteurs de ces articles", a-t-il par exemple dénoncé.

Le FBI a annoncé ouvrir une enquête pour aider le Qatar à retracer le piratage.

Les doutes sur la position du Qatar au sujet du terrorisme ne sont pas nouveaux, malgré le fait que le pays soit membre de la coalition internationale qui combat le groupe jihadiste État islamique. L'émirat a ainsi été critiqué pour son soutien aux groupes rebelles qui se battent contre le président syrien Bachar al-Assad, et des Qataris ont été sanctionnés par le Trésor américain pour des activités de financement du terrorisme.

Les détracteurs du Qatar rappellent aussi qu'il a soutenu avec force l'ancien président égyptien Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, et qualifié de "coup d'État" son éviction par Abdel Fattah al-Sissi en 2013.

L'administration Trump manipulée par les Saoudiens et les Émiratis?

D'après le Washington Post, la politique de Donald Trump dans la péninsule arabique peut avoir joué sur les relations internes au Conseil de coopération du Golfe (CCG), qui regroupe plusieurs monarchies pétrolières sunnites, dont celles impliquées dans la rupture diplomatique de lundi. Tandis que l'administration Obama considérait ce groupe comme un bloc, Donald Trump a vu l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis comme les "deux piliers de son approche sur la région", écrit le journal, ce qui a pu favoriser l'explosion du rapport de forces interne.

De plus, l'inexpérience politique de certains conseillers du premier cercle du président américain a "présenté une opportunité pour les Saoudiens et les Émiratis de modeler l'opinion de l'administration américaine sur des sujets régionaux majeurs comme l'Iran ou l'islamisme, deux sujets omniprésents lors de la visite de Ryad", explique encore le quotidien.

Le Guardian reste de son côté plus prudent. Si l'Arabie saoudite a sans doute informé les États-Unis avant de rompre ses liens diplomatiques avec le Qatar, "le président américain a pu ne pas donner son feu vert à une mesure aussi drastique", selon le journal britannique.

Retrouvez les articles du HuffPost Tunisie sur notre page Facebook.

Viewing all articles
Browse latest Browse all 7580

Trending Articles