La réunion qui a duré 11 heures a suscité de vives critiques dénonçant un stratagème pour tenter d'arrêter les enquêtes en cours sur le régime Burundais. Et pour cause, la résolution n'a mentionné aucun renouvellement du mandat de la commission d'enquête de l'ONU, mise en place le 30 septembre 2016 pour un mandat d'une année.
En effet, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU devait soutenir une résolution de l'Union Européenne jeudi 28 septembre 2017 en vue d'étendre le mandat de la commission d'enquête, qui avait déclaré que les hauts fonctionnaires burundais devraient être tenus responsables des atrocités commises au Burundi.
#Burundi "Le groupe africain au secours du pouvoir de Nkurunziza au Conseil des droits de l’homme de l’ONU".https://t.co/bN5cuc6MGU
— Gilbert NIYONKURU (@niyogilbert1) 28 septembre 2017
L'ambassadeur burundais Renovat Tabu, a déclaré que l'enquête de l'ONU était biaisée et que son rapport, récemment présenté devant de conseil des droits de l'homme de l'ONU, ne reflétait pas la réalité, selon un article de l'agence de presse anglaise Reuters.
"Je suis bien placé pour vous dire que le Burundi, alors que je vous parle, est calme", a-t-il déclaré pendant la réunion.
De leur côté, les diplomates de l'UE, des États-Unis, de la Norvège, de la Suisse, du Canada et de la Grande-Bretagne ont refusé de débattre du contenu de la résolution des pays africains exprimant leur frustration de voir une telle résolution présentée 24 heures seulement avant la fin de cette 36ème session ordinaire du Conseil des droits de l'homme de l'ONU.
Toujours selon Reuters, la représentante de l'UE a déclaré que la situation au Burundi semble loin d'être stable et que de graves violations des droits de l'homme se poursuivraient. "Au lieu de nous soumettre vos remarques, vous avez carrément déposé une résolution concurrente", a-t-elle ajouté s'adressant à l'ambassadeur burundais Renovat Tabu.
Le représentant des États-Unis a quant à lui déclaré que l'engagement soudain du Burundi à coopérer avec la commission de l'ONU est suspect soulignant qu'il date de moins de 3 jours. "Un non-renouvellement du mandat de la Commission d'enquête aurait un impact négatif sur la crédibilité du Conseil" a-t-il déclaré
"L'engagement de dernière minute du Burundi à coopérer n'est pas crédible si on tient compte de son refus persistant de reconnaître la commission d'enquête. Il est scandaleux qu'un texte de dernière minute ait été présenté pour permettre au Burundi de ne pas rendre compte des crimes présumés contre l'humanité dont il serait coupable". a déclaré John Fisher, directeur de plaidoyer chez Human Rights Watch à Genève.
Pourquoi la Tunisie a-t-elle présenté une telle résolution?
Contactée par Huffpost Tunisie, une source au sein de la commission d'enquête de l'ONU à Genève a affirmé qu'une résolution encourageant le Burundi à coopérer avec l'ONU et ne mentionnant aucun appel au renouvellement du mandat de la commission, a été déposée et soutenue par la Tunisie au nom du groupe des pays africains.
Celle-ci prévoit entre autre l'envoi de trois experts chargés de dialoguer avec les autorités. Ces experts auront "pour mandat de travailler en coopération avec le gouvernement en vue de collecter les informations, déterminer les faits et circonstances" des violations des droits de l'Homme "en vue de les transmettre aux autorités judiciaires du Burundi qui auront la charge d'établir la vérité", a expliqué le Représentant de la Tunisie, Walid Doudech, au nom du Groupe africain au site de l'ONU.
La résolution a été adoptée par 23 votes pour, 14 contre et 9 abstentions.
11 des 13 pays membres du groupe africain dirigé par la Tunisie ont voté en faveur de la résolution, tandis que le Botswana s'est abstenu de voter et le Rwanda n'a pas participé au vote.

De son côté, l'Union Européenne a déposé une résolution demandant le renouvellement du mandat à la Commission d'enquête, qui a été adoptée vendredi. Ainsi, la Commission continuera de s'acquitter de sa mission pour un nouveau mandat.
#Burundi: great to see Botswana choosing to "remain on the side of the voiceless" and support renewal of #COIBurundi #HRC36 @BWGovernment pic.twitter.com/LVud7OX9ax
— Sonia Tancic (@SoniaTancic) September 29, 2017
Pour l'Ambassadeur tunisien au Conseil des Droits de l'Homme Walid Doudech, "il s'agit d'une approche pratique qui tient compte de la situation sur le terrain et des efforts menés sur le plan national, régional et continental" du Burundi, a-t-il déclaré.
De son côté, une source diplomatique tunisienne a affirmé au HuffPost Tunisie que "cela montre deux choses: Que la Tunisie s'inscrit parfaitement dans l'optique de sa volonté d'être un partenaire stratégique autant pour l'Afrique que pour l'Europe. Le fait d'avoir proposé la résolution pour le groupe des pays africains s'explique par la nouvelle diplomatie économique mise en place. Cela montre qu'on peut compter sur la Tunisie. D'un autre côté, la Tunisie s'est abstenue sur la résolution de l'Union Européenne, et cela démontre que la Tunisie ne se positionne pas en 'anti' de la proposition des pays européens, bien au contraire".
Selon lui, "la Tunisie a joué parfaitement son rôle: Celui de tampon, de rapprocher les points de vue entre les pays africains et les pays européens. Tout le monde est gagnant, autant le Burundi que les pays qui ont souhaité que le travail de la commission d'enquête continue".
Au terme de sept mois d’enquête et sur la base de plus de 500 entretiens, y compris avec des Burundais réfugiés à l’étranger et d’autres restés dans leur pays, la Commission est arrivée à la conclusion que des violations graves des droits de l’homme et atteintes à ceux-ci ont été perpétrées au Burundi depuis avril 2015.
La Commission appelle en outre l’Union africaine à reprendre l’initiative dans la recherche d’une solution durable à la crise au Burundi, qui soit fondée sur le respect des droits de l’homme et le rejet de l’impunité.
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