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Le retour des jihadistes en Tunisie: Entre inquiétudes et débats passionnés

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Manifestation citoyenne, cri d'alarme des forces de sécurité, multiplication des interventions politiques: l'inquiétude grandit et le débat s'emballe en Tunisie face à la perspective d'un retour de milliers de jihadistes, dans un pays déjà durement éprouvé par les attentats.

Avec quelque 5.500 ressortissants ayant rejoint les rangs d'organisations jihadistes, selon des chiffres de l'ONU, la Tunisie est l'un des principaux pays au monde touchés par ce fléau, le premier au Maghreb, loin devant le Maroc (environ 1.300).

Parmi eux, des centaines sont vraisemblablement morts au combat. Pour les autres, la question de leur retour "se pose avec acuité puisque l'étau se resserre sur le groupe Etat islamique (EI), en Syrie et en Irak, mais aussi en Libye", frontalière de la Tunisie, explique à l'AFP l'expert Hamza Meddeb, chercheur auprès de l'Institut universitaire européen de Florence (Italie).

Le récent attentat de Berlin perpétré au nom de l'EI par un Tunisien de 24 ans, Anis Amri, a aussi mis en exergue ce débat: classé islamiste "dangereux", Amri avait vu sa demande d'asile rejetée par l'Allemagne et devait, après des mois de tractations avec Tunis, être expulsé vers son pays.

"Non à la repentance"

Vendredi au Parlement, le ministre de l'Intérieur Hédi Majdoub a révélé que 800 jihadistes tunisiens étaient déjà rentrés, et assuré que les autorités détenaient "toutes les informations sur ces individus".

Mais, dans un pays traumatisé par une série d'attaques sanglantes ces deux dernières années, ces déclarations n'ont pas suffi.

A l'appel d'un collectif citoyen, des centaines de personnes ont manifesté samedi à Tunis pour dire "Non à la repentance et à la liberté pour les groupes terroristes".

Le lendemain, le syndicat national des forces de sécurité intérieure s'est alarmé d'un risque de "somalisation" de la Tunisie, déjà confrontée à des maquis jihadistes dans les monts de l'intérieur du pays.

Ces Tunisiens, qui "ont appris à manipuler toutes sortes d'armes de guerre", pourraient rejoindre les "cellules dormantes" du pays, et accepter leur retour (...) contribuera à élargir le cercle du terrorisme", a prévenu le syndicat, qui a appelé le gouvernement à les déchoir de leur nationalité.

Interdite par la Constitution, cette mesure a été balayée par le président Béji Caïd Essebsi, dont les propos au début du mois à Paris ont néanmoins contribué à faire monter le débat.

"On ne peut empêcher un Tunisien de revenir dans son pays", "mais évidemment, nous allons être vigilants", avait-il dit à l'AFP. Il avait jugé impossible de "les mettre tous en prison, parce que si nous le faisons, nous n'aurons pas assez de prisons".

"Mais nous prenons les dispositions nécessaires pour qu'ils soient neutralisés", avait-il ajouté.

"Bombe à retardement"

Depuis, les prises de position se sont multipliées, du chef du parti islamiste Ennahdha Rached Ghannouchi à l'ex directeur de campagne de M. Essebsi, Mohsen Marzouk.

Sur sa page Facebook, M. Marzouk, désormais à la tête de sa propre formation, a estimé lundi que "tout terroriste de retour" était une "bombe à retardement", faute "d'incarcération préventive".

Pour Hamza Meddeb, "ce débat, comme tous les débats importants (des dernières années), commence, malheureusement, à polariser".

Si les causes du jihadisme tunisien sont connues --contrecoup de la répression anti-islamiste sous la dictature, désordre de l'après-révolution, crise sociale--, la grande conférence nationale contre le terrorisme prévue en 2015 "a sans cesse été repoussée" pour des "questions politiciennes", poursuit-il.

Et il aura fallu attendre novembre 2016 pour voir l'adoption d'une "stratégie de lutte contre l'extrémisme", note l'expert.

Selon la présidence, celle-ci s'articule autour de quatre axes: prévention, protection, poursuites (judiciaires) et riposte. Mais pour M. Meddeb, elle demeure "un gros point d'interrogation, son contenu n'ayant toujours pas été publié".

La Tunisie a "les capacités matérielles pour gérer ces retours, même s'il s'agit d'une opération compliquée", estime le professeur d'histoire contemporaine et analyste, Abdelatif Hannachi.

"Il faut fonctionner par étapes, d'abord enquêter, puis recourir aux tribunaux et les isoler si nécessaire, afin de débuter leur réhabilitation", dit-il à l'AFP.

L'un des points faibles réside, selon lui, dans la trentaine de prisons tunisiennes où s'entassent déjà "près de 25.000 détenus".

En mars, après s'être battues pour reprendre le contrôle des mosquées, les autorités ont lancé une campagne ("Ghodwa khir", "demain sera meilleur") centrée sur les jeunes pour lutter contre l'extrémisme. Elle compte un volet à destination des prisons, également touchées par ce phénomène.

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