Anthropologue, architecte et spécialiste de la question libyenne, Rafaâ Tabib est revenu au cours de cet entretien accordé au HuffPost Tunisie sur les dernières évolutions du dossier libyen et ce en relation avec le retour des terroristes tunisiens au bercail.
HuffPost Tunisie: La Tunisie serait sur le point d’accueillir les terroristes partis en Syrie, en Iraq et en Libye il y a plus de quatre ans. Que devrions-nous craindre, selon vous?
Rafaâ Tabib: On doit craindre que cela soit suivi de dispositifs qui seront pris par les cellules dormantes en Tunisie pour faire une jonction entre ces terroristes qui rentrent avec un réseautage, des armes, une maîtrise des techniques de guerre et entre ceux qui ont été empêchés de les rejoindre dans les zones de conflit. On aura des chefs formés avec des jeunes à la recherche de "formation".
Par ailleurs, on doit craindre la jonction avec les groupes qui sont en Libye; si nous, nous avons une géographie claire – avec des frontières stables et une répartition des gouvernorats bien déterminées – pour les terroristes de Daech et des autres groupes, toute la géographie est ouverte et là où ils peuvent créer un sanctuaire sécurisé, il le feront. Or, maintenant, j’ai bien peur que les sanctuaires soient mis en place dans la ville et dans les quartiers.
S’ils réussissent à faire cela, ils tiendront tête à nos forces de sécurité pour une raison très simple: la sécurité en Tunisie, depuis 2011, est devenue uniquement l’affaire du corps sécuritaire et non pas celle des citoyens. On l’a vu à Kasserine où toute une ville a vécu une nuit d’enfer à cause de dix personnes qui étaient financées par des dealers. Je pense que les derniers incidents de Kasserine n’étaient pas une simple diversion mais plutôt une sorte de préparation d’un scénario qui sera, par la suite, reproduit un peu partout.
Est-il vrai que la Libye serait sur le point de se délivrer de tous ses clivages qui durent depuis 2011?
J’ai toujours tendance à ne plus parler de la Libye mais 'des Libyes'. En Libye, il existe des régions qui vivent d’une manière totalement autonome et qui n’ont plus besoin des autres villes pour continuer à fonctionner.
Par contre, si les Libyens réussissent à trouver une manière pour se partager la ressource pétrolière, à rétablir la sécurité nationale en reconstruisant une armée et à ne plus vivre dans le déni de l’autre, ils finiront par dépasser tous les clivages et iront de l’avant.
J’étais dans la région d’Awbari récemment et j’ai vu que les Libyens ne sont pas uniquement confrontés aux trafics des armes et des humains mais, aussi, à des maladies inconnues de la population locale et qui sont en train de provenir du fin fond des régions subsahariennes.
La Turquie vit sous le rythme d’attaques terroristes qui risqueraient de s’accroître selon quelques géopoliticiens. Est-ce que la Turquie est la nouvelle cible de Daech?
Pas uniquement de Daech, mais de tous les perdants. En se mettant du côté de l’Iran et de la Russie, il y a un nouveau tracé du gazoduc qui devait passer par une Syrie occupée par les pétro-monarchies arabes, puis par la Turquie pour arriver en Europe.
Ce gazoduc devait ramener le gaz à partir du Qatar.
Maintenant, le gazoduc va venir de l’Iran et, donc, va devoir passer par l’Iraq, par la Syrie et par la Turquie. Cette dernière devra donc se positionner dans un nouvel échiquier totalement différent. Or, dans toutes guerres, il y a des perdants et des gagnants et la Turquie s’est retirée au bon moment. Les perdants sont aujourd’hui clairs; l’Arabie Saoudite, le Qatar et les pétro-monarchies du Golfe et, dans cette perte, ils feront payer très cher à la Turquie ce changement de positionnement.
HuffPost Tunisie: La Tunisie serait sur le point d’accueillir les terroristes partis en Syrie, en Iraq et en Libye il y a plus de quatre ans. Que devrions-nous craindre, selon vous?
Rafaâ Tabib: On doit craindre que cela soit suivi de dispositifs qui seront pris par les cellules dormantes en Tunisie pour faire une jonction entre ces terroristes qui rentrent avec un réseautage, des armes, une maîtrise des techniques de guerre et entre ceux qui ont été empêchés de les rejoindre dans les zones de conflit. On aura des chefs formés avec des jeunes à la recherche de "formation".
Par ailleurs, on doit craindre la jonction avec les groupes qui sont en Libye; si nous, nous avons une géographie claire – avec des frontières stables et une répartition des gouvernorats bien déterminées – pour les terroristes de Daech et des autres groupes, toute la géographie est ouverte et là où ils peuvent créer un sanctuaire sécurisé, il le feront. Or, maintenant, j’ai bien peur que les sanctuaires soient mis en place dans la ville et dans les quartiers.
S’ils réussissent à faire cela, ils tiendront tête à nos forces de sécurité pour une raison très simple: la sécurité en Tunisie, depuis 2011, est devenue uniquement l’affaire du corps sécuritaire et non pas celle des citoyens. On l’a vu à Kasserine où toute une ville a vécu une nuit d’enfer à cause de dix personnes qui étaient financées par des dealers. Je pense que les derniers incidents de Kasserine n’étaient pas une simple diversion mais plutôt une sorte de préparation d’un scénario qui sera, par la suite, reproduit un peu partout.
Est-il vrai que la Libye serait sur le point de se délivrer de tous ses clivages qui durent depuis 2011?
J’ai toujours tendance à ne plus parler de la Libye mais 'des Libyes'. En Libye, il existe des régions qui vivent d’une manière totalement autonome et qui n’ont plus besoin des autres villes pour continuer à fonctionner.
Par contre, si les Libyens réussissent à trouver une manière pour se partager la ressource pétrolière, à rétablir la sécurité nationale en reconstruisant une armée et à ne plus vivre dans le déni de l’autre, ils finiront par dépasser tous les clivages et iront de l’avant.
J’étais dans la région d’Awbari récemment et j’ai vu que les Libyens ne sont pas uniquement confrontés aux trafics des armes et des humains mais, aussi, à des maladies inconnues de la population locale et qui sont en train de provenir du fin fond des régions subsahariennes.
La Turquie vit sous le rythme d’attaques terroristes qui risqueraient de s’accroître selon quelques géopoliticiens. Est-ce que la Turquie est la nouvelle cible de Daech?
Pas uniquement de Daech, mais de tous les perdants. En se mettant du côté de l’Iran et de la Russie, il y a un nouveau tracé du gazoduc qui devait passer par une Syrie occupée par les pétro-monarchies arabes, puis par la Turquie pour arriver en Europe.
Ce gazoduc devait ramener le gaz à partir du Qatar.
Maintenant, le gazoduc va venir de l’Iran et, donc, va devoir passer par l’Iraq, par la Syrie et par la Turquie. Cette dernière devra donc se positionner dans un nouvel échiquier totalement différent. Or, dans toutes guerres, il y a des perdants et des gagnants et la Turquie s’est retirée au bon moment. Les perdants sont aujourd’hui clairs; l’Arabie Saoudite, le Qatar et les pétro-monarchies du Golfe et, dans cette perte, ils feront payer très cher à la Turquie ce changement de positionnement.
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