Depuis quelques jours, les athlètes du monde entier réaliseront des exploits d’endurance et d’agilité quasi surhumains aux jeux Olympiques et Paralympiques de Rio. Quand ils gagneront, leurs visages en sueur rayonneront de joie et de fierté tandis que l’on hissera les drapeaux et que résonnera leur hymne national.
Pourtant, ils ne devront pas ces victoires à leurs succès passés mais à leurs échecs.
Aussi illogique que cela puisse paraître, échouer à atteindre nos objectifs peut préparer le terrain de nos prochains succès… à condition de considérer ces revers comme des leçons et non comme le signe d’échecs à venir.
L’échec peut vous aider à affronter vos peurs
L’Américain Lex Gillette lors de la finale du saut en longueur des jeux paralympiques de Beijing 2008. - Reuters
Nous savons tous ce qu’est l’échec. Quand on n’atteint pas l’objectif que l’on s’est fixé, on se sent triste, honteux, abattu, découragé. On peut aussi être paralysé ou se convaincre que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Mais les recherches sur la résilience montrent que le courage et la persévérance semblent aussi prédictifs de succès que l’intelligence, et que ceux qui réussissent le mieux sont les plus déterminés. Des travaux similaires sur le développement indiquent que les enfants convaincus que l’intelligence peut être cultivée tendent à mieux réussir à l’école.
Dans les deux cas, la manière dont on envisage les erreurs et l’échec détermine en grande partie la façon dont on les interprétera dans la réalité. Si l’on veut évoluer, les épreuves que l’on traverse sont l’occasion d’apprendre. Si l’on est résilient, les erreurs et les échecs sont des leçons permettant de progresser. Cela semble être le cas chez les athlètes de haut niveau.
Champion de saut en longueur multimédaillé, Lex Gillette, 31 ans, représentera cette année les États-Unis aux jeux Paralympiques. Il a remporté une médaille d’argent aux trois derniers jeux auxquels il a participé, et une médaille d’or aux championnats mondiaux handisport de 2013 et 2015. Il est aussi aveugle depuis l’âge de huit ans. Les obstacles ne lui sont pas étrangers. C’est peut-être la raison pour laquelle il croit aussi fermement que les meilleurs athlètes apprennent de leurs échecs.
"Je pense qu’il est indispensable d’échouer", expliquait-il récemment lors d’une rencontre sponsorisée par les salles de sport 24 Hour Fitness, pour lesquelles il a conçu le programme Team USA Bootcamp. "Les obstacles vous font passer au niveau supérieur."
Les championnats du monde d’athlétisme handisport de 2015 en sont une parfaite illustration. Pour préparer sa course d’élan et sa réception, Lex Gillette commence par faire le tour de la zone de saut et des limites de la fosse avec son guide et entraîneur, afin de visualiser mentalement l’espace. Cela fonctionne quasiment toujours mais, pour une raison inconnue, à Doha, ça n’a pas marché. Au lieu d’atterrir, comme d’habitude, au milieu de la fosse, il est retombé durement sur un des bas-côtés en béton.
"J’ai considéré ça comme un échec", se souvient l’athlète. "J’étais totalement désorienté, car ça m’arrive rarement. Mais, dans ces moments-là, je me dis que même si j’ai connu pas mal d’échecs dans ma vie, je me suis toujours servi de ma force intérieure pour revenir dans la course et être résilient."
Il y est parvenu haut la main. Un quart d’heure plus tard, Lex Gillette réussissait son meilleur saut et remportait l’or.
"Je n’y vois rien, mais ça ne m’effraie pas du tout. J’ai le sentiment que je vais gagner aux jeux Paralympiques. Je considère ces échecs comme des étapes par lesquelles je dois passer pour arriver là où je veux."
Spécialiste de la motivation, la chercheuse Michell Segar, directrice du centre de recherche et de politique du sport, de la santé et des activités physiques de l’université du Michigan, souligne que Lex Gillette est l’exemple type de l’athlète qui affronte la pire de ses peurs: atterrir à côté de la fosse. L’intéressé reconnaît en effet que cette mauvaise réception aurait pu accréditer l’idée que les malvoyants ne peuvent pas exceller au saut en longueur, qui exige d’atteindre deux cibles: la planche d’appel et la fosse de sable.
Mme Segar suppose qu’une fois cette peur concrétisée, Lex Gillette s’est peut-être senti délivré de la crainte et de l’angoisse qui l’étreignent généralement lors des compétitions.
"Les recherches montrent que les personnes qui ont une mentalité de gagnant peuvent souffrir du stress lié à cet état d’esprit, ce qui les déconcentre", ajoute-t-elle. "Une fois qu’ils se sont débarrassés de cette épée de Damoclès, ils retrouvent leur capacité de concentration."
L’échec peut vous motiver
L’Américaine Cortney Jordan se réjouit de sa médaille d’or au 50 mètres nage libre (S7) avec sa coéquipière, Erin Popovich, médaille d’argent, aux jeux Paralympiques de Beijing, le 14 septembre 2008. - AFP
Une étude qualitative a été menée en 2015 auprès de dix médaillés d’or olympique, dans diverses disciplines, sur les revers tels que l’échec répété aux sélections, les blessures graves, voire le décès d’un membre de la famille. Il en ressort que ces athlètes de haut niveau les considèrent comme des facteurs essentiels ayant contribué directement à leur victoire.
"La majorité des participants ont déclaré que s’ils n’avaient pas échoué lors des précédentes olympiades, ils n’auraient pas remporté leurs médailles d’or", soulignent les auteurs. Ces athlètes auraient appris de leurs échecs de deux manières: en s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles ils ressentaient des émotions pénibles, au lieu de s’attacher aux émotions elles-mêmes, et en se distanciant psychologiquement de cette expérience négative.
"Ces deux processus mentaux permettent un traitement à froid des émotions négatives, grâce auquel les individus peuvent donner du sens à leur expérience, sans réactiver les affects négatifs ressentis à chaud", concluent-ils.
Cortney Jordan, 25 ans, peut certainement se reconnaître dans cette description. Nageuse paralympique, née avec une paralysie cérébrale, elle prétend ne pas "croire" à l’échec. Mais il occupe une place à part dans son cœur, car il l’a aidée à gagner son unique médaille d’or paralympique (jusqu’à présent), celle du 50 mètres nage libre à Beijing en 2008.
Après avoir fini 4e au 100 mètres dos et 9e au 50 mètres papillon, elle était abattue. Elle avait raté le podium du dos de trois centièmes de seconde. Et sa 9e place au papillon la privait d’une qualification pour la finale. Mais le lendemain, elle a remporté l’or sur le 50 mètres libre. Elle a déclaré qu’elle devait sa médaille à ses deux échecs de la veille:
"Mon échec m’avait si bien motivée que j’ai pu le mobiliser pour alimenter mon désir de gagner", se souvient-elle. "L’échec est une perception qui ne dure pas. Chaque fois que j’ai raté un objectif, j’en ai profité pour réfléchir à ce qui n’avait pas fonctionné et je m’en suis servi comme d’un tremplin vers le succès et l’avenir."
Mark Aoyagi, directeur de la faculté de psychologie du sport et de la performance à l’université de Denver, s’est spécialisé dans le suivi des athlètes professionnels et olympiques. Il aide ses clients à recadrer leurs échecs à la façon de Cortney Jordan.
"Nous travaillons beaucoup sur la reconceptualisation de l’échec: investir dans son sport, se mettre en situation de compétition et se donner tout ce dont on a besoin pour se développer", indique-t-il. "De ce fait, si vous suivez ce processus et n’obtenez pas les résultats escomptés, ce n’est pas un échec mais de l’apprentissage."
Selon cette définition de l’échec, la seule façon d’échouer est de ne rien faire: ne pas se préparer correctement, ne pas y aller à fond le jour de la compétition, ou ne pas apprendre des expériences passées.
"L’échec n’a rien à voir avec l’obtention ou non des résultats escomptés le jour J", poursuit-il. "Il faut utiliser ces données pour se reprendre, s’entraîner, progresser et s’en servir lors de la compétition suivante."
Vous décidez de ce qui constitue un échec
Les exemples d’échecs qui propulsent plus haut encore sont exaltants et faciles à comprendre quand on parle athlétisme. Mais ces idées trouvent aussi un écho dans les sciences, le monde des affaires, l’éducation et bien d’autres domaines.
Parmi les exemples d’erreurs et d’échecs ayant conduit à des avancées, citons l’invention de la pénicilline, que Sir Alexander Fleming a découvert dans la coupelle de laboratoire d’une précédente expérience, et le pacemaker, que Wilson Greatbatch a conçu en tentant de fabriquer un enregistreur du rythme cardiaque.
"On pense souvent que l’échec – ne pas obtenir la promotion attendue, ne pas être accepté à l’université d’élite convoitée, etc. – sous-entend que l’on n’a pas les moyens de ses ambitions", conclut-il.
Mais cette idée ne prend pas en compte le fait que l’on décide soi-même de ce qui constitue une erreur ou un faux-pas.
"L’échec et la réussite sont des notions relatives, et ce qui apparaît comme un échec à court terme peut souvent conduire au succès. L’échec est souvent un ingrédient indispensable à la réussite, comme en témoignent ces athlètes paralympiques."
Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Julie Flanère pour Fast for Word.
Pourtant, ils ne devront pas ces victoires à leurs succès passés mais à leurs échecs.
Aussi illogique que cela puisse paraître, échouer à atteindre nos objectifs peut préparer le terrain de nos prochains succès… à condition de considérer ces revers comme des leçons et non comme le signe d’échecs à venir.
L’échec peut vous aider à affronter vos peurs
L’Américain Lex Gillette lors de la finale du saut en longueur des jeux paralympiques de Beijing 2008. - Reuters
Nous savons tous ce qu’est l’échec. Quand on n’atteint pas l’objectif que l’on s’est fixé, on se sent triste, honteux, abattu, découragé. On peut aussi être paralysé ou se convaincre que le jeu n’en vaut pas la chandelle.
Mais les recherches sur la résilience montrent que le courage et la persévérance semblent aussi prédictifs de succès que l’intelligence, et que ceux qui réussissent le mieux sont les plus déterminés. Des travaux similaires sur le développement indiquent que les enfants convaincus que l’intelligence peut être cultivée tendent à mieux réussir à l’école.
Dans les deux cas, la manière dont on envisage les erreurs et l’échec détermine en grande partie la façon dont on les interprétera dans la réalité. Si l’on veut évoluer, les épreuves que l’on traverse sont l’occasion d’apprendre. Si l’on est résilient, les erreurs et les échecs sont des leçons permettant de progresser. Cela semble être le cas chez les athlètes de haut niveau.
Champion de saut en longueur multimédaillé, Lex Gillette, 31 ans, représentera cette année les États-Unis aux jeux Paralympiques. Il a remporté une médaille d’argent aux trois derniers jeux auxquels il a participé, et une médaille d’or aux championnats mondiaux handisport de 2013 et 2015. Il est aussi aveugle depuis l’âge de huit ans. Les obstacles ne lui sont pas étrangers. C’est peut-être la raison pour laquelle il croit aussi fermement que les meilleurs athlètes apprennent de leurs échecs.
"Je pense qu’il est indispensable d’échouer", expliquait-il récemment lors d’une rencontre sponsorisée par les salles de sport 24 Hour Fitness, pour lesquelles il a conçu le programme Team USA Bootcamp. "Les obstacles vous font passer au niveau supérieur."
Les championnats du monde d’athlétisme handisport de 2015 en sont une parfaite illustration. Pour préparer sa course d’élan et sa réception, Lex Gillette commence par faire le tour de la zone de saut et des limites de la fosse avec son guide et entraîneur, afin de visualiser mentalement l’espace. Cela fonctionne quasiment toujours mais, pour une raison inconnue, à Doha, ça n’a pas marché. Au lieu d’atterrir, comme d’habitude, au milieu de la fosse, il est retombé durement sur un des bas-côtés en béton.
"J’ai considéré ça comme un échec", se souvient l’athlète. "J’étais totalement désorienté, car ça m’arrive rarement. Mais, dans ces moments-là, je me dis que même si j’ai connu pas mal d’échecs dans ma vie, je me suis toujours servi de ma force intérieure pour revenir dans la course et être résilient."
Il y est parvenu haut la main. Un quart d’heure plus tard, Lex Gillette réussissait son meilleur saut et remportait l’or.
"Je n’y vois rien, mais ça ne m’effraie pas du tout. J’ai le sentiment que je vais gagner aux jeux Paralympiques. Je considère ces échecs comme des étapes par lesquelles je dois passer pour arriver là où je veux."
Spécialiste de la motivation, la chercheuse Michell Segar, directrice du centre de recherche et de politique du sport, de la santé et des activités physiques de l’université du Michigan, souligne que Lex Gillette est l’exemple type de l’athlète qui affronte la pire de ses peurs: atterrir à côté de la fosse. L’intéressé reconnaît en effet que cette mauvaise réception aurait pu accréditer l’idée que les malvoyants ne peuvent pas exceller au saut en longueur, qui exige d’atteindre deux cibles: la planche d’appel et la fosse de sable.
Mme Segar suppose qu’une fois cette peur concrétisée, Lex Gillette s’est peut-être senti délivré de la crainte et de l’angoisse qui l’étreignent généralement lors des compétitions.
"Les recherches montrent que les personnes qui ont une mentalité de gagnant peuvent souffrir du stress lié à cet état d’esprit, ce qui les déconcentre", ajoute-t-elle. "Une fois qu’ils se sont débarrassés de cette épée de Damoclès, ils retrouvent leur capacité de concentration."
L’échec peut vous motiver
L’Américaine Cortney Jordan se réjouit de sa médaille d’or au 50 mètres nage libre (S7) avec sa coéquipière, Erin Popovich, médaille d’argent, aux jeux Paralympiques de Beijing, le 14 septembre 2008. - AFP
Une étude qualitative a été menée en 2015 auprès de dix médaillés d’or olympique, dans diverses disciplines, sur les revers tels que l’échec répété aux sélections, les blessures graves, voire le décès d’un membre de la famille. Il en ressort que ces athlètes de haut niveau les considèrent comme des facteurs essentiels ayant contribué directement à leur victoire.
"La majorité des participants ont déclaré que s’ils n’avaient pas échoué lors des précédentes olympiades, ils n’auraient pas remporté leurs médailles d’or", soulignent les auteurs. Ces athlètes auraient appris de leurs échecs de deux manières: en s’interrogeant sur les raisons pour lesquelles ils ressentaient des émotions pénibles, au lieu de s’attacher aux émotions elles-mêmes, et en se distanciant psychologiquement de cette expérience négative.
"Ces deux processus mentaux permettent un traitement à froid des émotions négatives, grâce auquel les individus peuvent donner du sens à leur expérience, sans réactiver les affects négatifs ressentis à chaud", concluent-ils.
Cortney Jordan, 25 ans, peut certainement se reconnaître dans cette description. Nageuse paralympique, née avec une paralysie cérébrale, elle prétend ne pas "croire" à l’échec. Mais il occupe une place à part dans son cœur, car il l’a aidée à gagner son unique médaille d’or paralympique (jusqu’à présent), celle du 50 mètres nage libre à Beijing en 2008.
Après avoir fini 4e au 100 mètres dos et 9e au 50 mètres papillon, elle était abattue. Elle avait raté le podium du dos de trois centièmes de seconde. Et sa 9e place au papillon la privait d’une qualification pour la finale. Mais le lendemain, elle a remporté l’or sur le 50 mètres libre. Elle a déclaré qu’elle devait sa médaille à ses deux échecs de la veille:
"Mon échec m’avait si bien motivée que j’ai pu le mobiliser pour alimenter mon désir de gagner", se souvient-elle. "L’échec est une perception qui ne dure pas. Chaque fois que j’ai raté un objectif, j’en ai profité pour réfléchir à ce qui n’avait pas fonctionné et je m’en suis servi comme d’un tremplin vers le succès et l’avenir."
Mark Aoyagi, directeur de la faculté de psychologie du sport et de la performance à l’université de Denver, s’est spécialisé dans le suivi des athlètes professionnels et olympiques. Il aide ses clients à recadrer leurs échecs à la façon de Cortney Jordan.
"Nous travaillons beaucoup sur la reconceptualisation de l’échec: investir dans son sport, se mettre en situation de compétition et se donner tout ce dont on a besoin pour se développer", indique-t-il. "De ce fait, si vous suivez ce processus et n’obtenez pas les résultats escomptés, ce n’est pas un échec mais de l’apprentissage."
Selon cette définition de l’échec, la seule façon d’échouer est de ne rien faire: ne pas se préparer correctement, ne pas y aller à fond le jour de la compétition, ou ne pas apprendre des expériences passées.
"L’échec n’a rien à voir avec l’obtention ou non des résultats escomptés le jour J", poursuit-il. "Il faut utiliser ces données pour se reprendre, s’entraîner, progresser et s’en servir lors de la compétition suivante."
Vous décidez de ce qui constitue un échec
Les exemples d’échecs qui propulsent plus haut encore sont exaltants et faciles à comprendre quand on parle athlétisme. Mais ces idées trouvent aussi un écho dans les sciences, le monde des affaires, l’éducation et bien d’autres domaines.
Parmi les exemples d’erreurs et d’échecs ayant conduit à des avancées, citons l’invention de la pénicilline, que Sir Alexander Fleming a découvert dans la coupelle de laboratoire d’une précédente expérience, et le pacemaker, que Wilson Greatbatch a conçu en tentant de fabriquer un enregistreur du rythme cardiaque.
"On pense souvent que l’échec – ne pas obtenir la promotion attendue, ne pas être accepté à l’université d’élite convoitée, etc. – sous-entend que l’on n’a pas les moyens de ses ambitions", conclut-il.
Mais cette idée ne prend pas en compte le fait que l’on décide soi-même de ce qui constitue une erreur ou un faux-pas.
"L’échec et la réussite sont des notions relatives, et ce qui apparaît comme un échec à court terme peut souvent conduire au succès. L’échec est souvent un ingrédient indispensable à la réussite, comme en témoignent ces athlètes paralympiques."
Cet article, publié à l’origine sur le Huffington Post américain, a été traduit par Julie Flanère pour Fast for Word.
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