FEMMES- Assistons-nous à une féminisation de la pauvreté? Quelles en sont les conséquences? Dans le cadre de ses Journées de lutte contre la violence à l'égard des femmes, le CREDIF (centre de recherches, d'Études, de Documentation et d'Information sur la femme) a publié une enquête sur la question en se penchant sur la violence économique envers les femmes, chiffres et témoignages à l'appui.
La fragilité économique et sociale des femmes en quelques chiffres
Ces chiffres sont incomplets car ils ne prennent pas en considération les contrats intérimaires ou encore les licenciements abusifs, les chiffres réels sont, dès lors, plus élevés en la matière, note l'étude du CREDIF.
L'étude révèle les corrélations entre l'aspect économique, social et psychologique car il ne s'agit pas de la pauvreté comme une incapacité à subvenir aux besoins élémentaires mais "de l'appauvrissement dû à une économie instable et en crise", explique Fathiya Saidi, sociologue, lors de la conférence.
La fragilité économique et sociale des femmes en quelques chiffres
- Le chômage a atteint 15% en Tunisie dont 11,4% pour les hommes et 22, 2% pour les femmes, soit le double.
- Parmi les diplômés, le chômage qui est estimé entre 31% et 57% englobe pour 50% les femmes et 21,7% les hommes.
Ces chiffres sont incomplets car ils ne prennent pas en considération les contrats intérimaires ou encore les licenciements abusifs, les chiffres réels sont, dès lors, plus élevés en la matière, note l'étude du CREDIF.
- Le taux de femmes licenciées lors des dernières années (2011- 2014) est de 56% contre 43% pour les hommes.
- Le taux de licenciement des femmes varie de 7% à 78% selon les secteurs. Le secteur du l'industrie du textile, du cuir et des chaussures arrive en tête des secteurs qui licencient le plus (78%), suivi par le secteur du commerce et des services (71%).
- Le taux de licenciement est différend selon les régions; La région de Gafsa enregistre le taux le plus élevé avec 90% des femmes licenciées durant les quatre dernières années, les régions côtières n'y échappent pas, ainsi la région de Mahdia arrive en deuxième position en la matière (87%).
La fragilité sous divers formes
Parmi les femmes licenciées, l'étude du CREDIF note l'existence de deux catégories, la premières "les protégées"par des liens sociaux et familiaux, ce qui leur garantit une certaine sécurité sur le plan financier. Elles sont en général célibataires, vivant au sein de leurs familles. L'autre catégorie est celles "des marginalisées", livrées à elles-mêmes à cause d'un divorce ou d'un veuvage.
Si les licenciements touchent aussi bien les hommes que les femmes, notamment avec la fermeture massive de beaucoup d'usines après le 14 janvier, pour les femmes, ils entrainent une dépendance économique qui empire leur situation compte tenu qu'elles vivent déjà sous le joug d'un milieu traditionnel et autoritaire, signale Fathiya Saidi.
Le même système qui ne considère pas le travail de la femme comme une nécessité contrairement à l'homme. Des préjugés renforcés juridiquement par le Code de Statut Personnel tunisien qui énonce que l'homme est le chef de la famille.
La fragilité économique des femmes prend plusieurs formes aussi, comme les métiers précaires: des travaux saisonniers (notamment dans le secteur agricole) ou intérimaires ou encore le non recrutement à cause de la grossesse, constate le CREDIF.
Des femmes qui intériorisent cette précarité
Le CREDIF a recueilli plusieurs témoignages de femmes licenciées. Il a pu ainsi dresser un profil sociologique de ces femmes.
Pour les célibataires, elles vivent généralement dans des familles composées de cinq à huit personnes, quant aux mariées, elles travaillent pour entretenir leur enfants. C'est la même motivation des femmes divorcées qui prennent en charge leur enfant (généralement un seul enfant). La volonté de décrocher un travail est plus grande chez les diplômées et celles qui entretiennent un enfant, souligne le CREDIF.
Si leur parcours est différant, elles partagent néanmoins la même perception du travail, qu'elles ne considèrent pas comme un droit mais comme une obligation liée à leur situation (c'est la réponse aussi de certaines femmes diplômées interrogées dans le cadre de l'étude) . En effet, parmi les 14 témoignages, 4 femmes seulement affirment que le travail est un moyen d'atteindre une autonomie financière et un outil libératoire.
Afin de pallier à cette violence économique, Fathiya Saidi recommande d'organiser des formations avec la société civile et les ministères concernés destinées aux femmes afin de les sensibiliser quant à leur droits à travers des thématiques ciblées en matière de plaidoyer, de négociation et une simplification des outils juridiques.
Le CREDIF fustige, par à la même occasion, l'absence d'une base de données officielle sur les licenciements touchant les femmes et appelle à créer un observatoire en la matière.
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