"Tu es la lumière de mon monde, la moitié de mon cœur". Fallait-il voir dans ces vers, chantés par le président philippin, une déclaration d'amour cachée à Donald Trump? Rodrigo Duterte ne l'a pas précisé en montant sur la scène d'un dîner d'État à Manille, dimanche 12 novembre, pour pousser la chansonnette. Mais la tentation est grande d'y voir un message, au vu de la teneur des discussions entre les deux hommes.
Alors qu'il avait réuni 19 chefs d'État du monde entier lors d'un gala dans la capitale des Philippines, avant le sommet des nations de l'Asie du Sud-Est, le président Duterte a pris le micro pour chanter "Ikaw" ("Toi"), une chanson d'amour très connue aux Philippines, en duo avec la célébrité locale Pilita Corrales.
"Mesdames et messieurs, j'ai chanté alors que je n'y avais pas été invité, sur ordre du 'commander in chief' des États-Unis", a-t-il lâché après sa prestation avant d'être applaudi, comme le montre cette vidéo publiée sur Twitter.
Pas un mot sur les droits de l'homme
La prestation a visiblement plu à Donald Trump, qui a loué lundi, lors d'une rencontre bilatérale, la qualité de ses relations avec le controversé Rodrigo Duterte. Assis côte à côte, le président américain et son homologue philippin, âgés respectivement de 71 et 72 ans, sont apparus très décontractés, plaisantant au début de leur premier tête-à-tête.
Mais ils ont aussi été avares de déclarations devant les journalistes, ignorant en particulier les questions sur les droits de l'homme, alors que la "guerre contre la drogue" sanglante menée avec des méthodes expéditives par le président philippin vaut à Manille un feu nourri de critiques sur la scène internationale.
Sollicité sur la question des droits de l'homme, Donald Trump, qui achève aux Philippines
une tournée marathon qui l'a menée dans cinq pays d'Asie, est resté muet. "Ce n'est pas une conférence de presse, c'est une rencontre bilatérale", a coupé court Rodrigo Duterte, assis à ses côtés sans cravate, avant que les journalistes ne quittent la pièce.
Peu après la rencontre, Harry Roque, porte-parole de l'homme fort de Manille, a assuré que "la question des droits de l'homme n'avait pas été soulevée" au cours de cet entretien de 40 minutes. "Le président Trump a spécifiquement souligné qu'il avait toujours été un ami de l'administration Duterte contrairement à son prédécesseur", a-t-il poursuivi, soulignant que la question des échanges commerciaux entre les deux pays avait occupé une large place.
Duterte, un adepte de "l'hyperbole"
"Nous avons de très bonnes relations", a souligné Donald Trump avant de louer la qualité de l'organisation du sommet et de livrer ses impressions sur la météo. "Aux Philippines, le temps finit toujours par tourner au beau...".
Les relations entre Manille et Washington, deux alliés tenus par un accord de défense, ont connu de fortes turbulences après l'arrivée au pouvoir en 2016 du populiste avocat philippin. Il y a un an, lors du sommet de l'Asean qui avait lieu au Laos, Barack Obama
avait annulé son tête-à-tête après avoir été
traité de "fils de pute" par l'homme fort de Manille.
Si le président philippin revendique haut et fort un style très provocateur, son entourage suggère régulièrement de ne pas le prendre au pied de la lettre, soulignant qu'il aime plaisanter et que c'est un adepte de "l'hyperbole".
Pour les Philippines, comme pour d'autres pays accusés de violation des droits fondamentaux, l'administration Trump assure de son côté qu'elle ne reste pas inactive mais qu'elle préfère la discrétion aux dénonciations publiques.
La pagaille pour la photo de famille
Quelques heures avant le tête-à-tête très attendu, la traditionnelle photo de famille du sommet de l'ASEAN avait donné lieu à une joyeuse pagaille. Placé au centre, Donald Trump devait croiser les bras et serrer la main des deux dirigeants debout à ses côtés. Mais il a serré des deux mains celle de son voisin de droite, le Premier ministre du Vietnam Nguyen Xuan Phuc, laissant celle de Rodrigo Duterte, sur sa gauche, dans le vide. Après quelques secondes, il a fini par rectifier le tir.
En marge du sommet, les forces de police anti-émeutes ont utilisé des canons à eaux pour disperser un rassemblement anti-Trump à Manille. "Trump rentre chez toi", pouvait-on lire sur les pancartes brandies par les manifestants, au nombre de 2000 selon la police.
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