Samedi, 55 acteurs clés ont été invité par l'initiative Afkar, sur le thème "La corruption et l’économie tunisienne: Stratégies pour un changement durable"; et ce dans le but d'établir des recommandations afin de sortir de cette spirale négative.
Dirigés par Chafik Sarsar, professeur à l'Université de Tunis et modérés par Ismaïl Ben Sassi, fondateur et PDG de ilboursa.com, les débats ont vu la participation du gouvernement tunisien, de la société civile, du secteur privé, des organisations internationales, des associations professionnelles, des institutions éducatives et des représentants diplomatiques.
Y ont pris notamment part l'enseignante-chercheuse Asma Bouraoui Khouja, le Vice-président d’études de la Carnegie Endowment for International Peace Marwan Muasher, le Fondateur et directeur général de SIGMA Conseil Hassen Zargouni, la Directrice Général de l'Instance nationale de lutte contre la corruption Nadia Saadi, ou encore l'ancien ministre de l’Economie et des Finances Hakim Ben Hammouda.
Les parties prenantes représentaient plus de 30 organisations dont l'Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), le Carnegie Endowment for International Peace, Mourakiboun, les Fondations Open Society, Nidaa Tounes, Ennahda, Afek Tounes, le Courant démocratique, le Bloc démocratique, l'Autorité Douanière, la Cour des Comptes tunisienne, Al Bawsala, Sigma Conseil, le Programme des Nations Unies pour le Développement, la Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement, l’Association des Tunisiens des Grandes Écoles, l’Institut Républicain International, la Fondation Drosos, Barr al Aman, l’Université de Harvard, le Projet sur la Démocratie au Moyen-Orient, le Collectif de Réflexion et d'Action Citoyenne, le Réseau National de Lutte contre la Corruption, l'Union Européenne, Heinrich Böll Stiftung, le Fond de Recherche Tunisien-Américain, ilboursa.com, le Réseau National Anti-Corruption, l'Association de la Citoyenneté Active de Tozeur, l'Ordre des Architectes, la Faculté des Sciences Juridiques de Tunis, et les Contentieux de l'Etat.
Faisant un état des lieux de la corruption en Tunisie, les intervenants ont affirmé que la corruption est une menace pour la transition démocratique de la Tunisie et une force de déstabilisation pour l'économie et la sécurité nationale soulignant sa prévalence en 2018 notant des changements dans la nature, la forme et la pratique de la corruption depuis 2011.
Cette pratique a de nombreux impacts économiques tels que la distorsion du marché, le frein aux investissements (notamment
étrangers), la création d'un climat des affaires hostile, les économies parallèles, la contrebande et le placement de la Tunisie sur les listes noires internationales pour les paradis fiscaux et le blanchiment d’argent; qui en est une conséquence directe.
Parmi les problèmes soulevés par les intervenant, l'on retrouve également l'écart entre la législation et les mesures publiques pour lutter contre la corruption mais également l’inefficacité de leur mise en œuvre dans la prévention ou la répression des actes de corruption.
Plusieurs intervenants ont également souligné le manque de volonté politique pour lutter efficacement contre la corruption donnant la perception à l’opinion publique que la corruption a augmenté entamant ainsi leur confiance.
Après plusieurs heures de débats, les participants sont sortis avec huit recommandations pour mieux traiter la corruption et la réduire en Tunisie:
- Finaliser la mise en place des principales institutions de l'État invoquées dans la Constitution tunisienne de 2014, telle que la Cour constitutionnelle ou d'autres organes
Pour les participants, la première recommandation concerne la primauté du droit et le rôle indispensable qu’il doit jouer pour contrer et prévenir les cas de corruption. Ainsi, pour eux, terminer la mise en place d'institutions clés destinées à soutenir l'État de droit, comme la Cour Constitutionnelle est primordial.
De plus, ils ont également souligné l'importance et la nécessité d'appliquer les lois existantes et les mécanismes de lutte contre la corruption déjà prévus.
- Renforcer les systèmes de gestion électroniques et rendre les informations sur les procédures administratives plus facilement accessibles aux citoyens
Les participants réunis par AFKAR ont proposé l'élaboration et la mise en œuvre de mesures anti-corruption supplémentaires, en plus de celles déjà existantes. Parmi ces mesures, la mise en place d'un système d'information intégré pourraient réduire les risques d’intervention humaine et de falsification mais aussi accélérer les procédures administratives elles-mêmes sources de corruption.
Enfin, les participants ont suggéré de renforcer et de dématérialiser les mesures non procédurales.
- Développer un plan d'urgence pour s'attaquer aux secteurs les plus corrompus
En plus d'une stratégie globale de lutte contre la corruption, les participants ont proposé une réponse rapide pour contrer les cas de
corruption les plus importants et renforcer la confiance de l’opinion publique dans les efforts de lutte contre la corruption. Cette confiance contribuerait à son tour à renforcer les politiques anti-corruption à plus long terme. En outre, ces efforts ciblés pourraient mettre en évidence la nécessité et l’urgence de la mise en œuvre de la législation anticorruption.
- Augmenter les ressources humaines et financières pour le suivi des institutions anti-corruption
Les institutions chargées de lutter contre la corruption et de la contrôler ne peuvent être pleinement efficaces sans un renforcement de leurs ressources humaines et financières. C'est en partant de ce postulat que les participants ont proposé d'augmenter les ressources et moyens alloués aux organes publics de lutte contre la corruption.
Outre l'augmentation des ressources, plusieurs participants ont souligné l'importance de financer les efforts de lutte contre la
corruption à l'échelle nationale, en se référant au Chapitre VII de la Constitution tunisienne, qui porte sur les autorités locales. En effet, la décentralisation peut constituer de nouveaux défis aux efforts de lutte nationale contre la corruption.
Dans le même ordre d'idées, plusieurs participants ont soulevé la question de la volonté politique, associée au fait que ceux qui sont placés en première ligne pour lutter contre la corruption, comme les agents des douanes, manquent souvent de volonté pour le faire. Sur ce sujet, les participants ont discuté des stratégies à adopter pour opérer des changements au sein de ces institutions, y compris la modification des structures d'incitation (telles que l'évolution des échelles salariales au sein des douanes et autres organismes de réglementation) et l'examen des politiques de conflit d'intérêts.
- Réduire les transactions en espèces
Les participants ont recommandé l'adoption de mesures visant à réduire les transactions en espèces, qui sont plus difficiles à
suivre et à contrôler. La réduction des transactions en espèces réduira ainsi l'économie parallèle et le commerce informel.
- Examiner les monopoles contrôlés par l’État
L'examen des monopoles contrôlés par l'État a également été recommandé par les participants; en particulier ceux qui régissent les produits non fabriqués en Tunisie. D’autant plus que ces monopoles encouragent la contrebande et favorisent les pratiques de corruption.
Certains participants ont suggéré que certains monopoles contrôlés par l'État devraient être démantelés et, à leur place, que certaines importations soient autorisées avec les impositions douanières nécessaires.
- Démanteler la culture du népotisme, du copinage et de l'impunité
Au cours de la conversation, les participants sont revenus à la culture dominante du népotisme, du copinage et de l'impunité. Les participants ont convenu qu'il devrait y avoir une politique durable pour démanteler ces pratiques et la culture inhérente qui les favorisent.
- Exercer les vérifications nécessaires dans la sélection des fonctionnaires chargés de lutter contre la corruption, y compris en s'assurant qu'ils répondent à des exigences et à des qualifications spécifiques
Enfin, les participants ont discuté des responsables de la lutte contre la corruption au sein des instances publiques. Au cours de la
conversation, un certain nombre de participants ont soutenu que ces fonctionnaires devraient être choisis avec soin, impliquant un examen complet des qualifications de la personne pour le poste, et incluant l’exclusion de l’existence de conflit d'intérêts. Par exemple, plusieurs participants ont suggéré que toute personne qui ne répond pas aux exigences du poste devrait être exclue afin d'assurer l'efficacité des institutions et d'empêcher une remise en cause de l'intégrité des institutions et de l’efficacité de leur fonctionnement. De plus, il devrait y avoir des termes de référence clairs pour déterminer les qualifications requises pour ces postes particuliers et pour s'assurer que les personnes qualifiées sont effectivement considérées et choisies.
Afkar est une initiative qui rassemble les principaux acteurs concernés par une thématique, le temps d’une journée, et en table ronde, dans le but d’avoir un dialogue qui débouchera sur des résultats concrets. En 2018, Afkar lance une série de six éditions dans le but d’aborder les différentes angles spécifiques ainsi que les défis économiques de la Tunisie.
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