Créé depuis 1974, le Club culturel Tahar Haddad a accueilli dans ses murs nombre d'événements et de personnalités ayant marqué le monde de la culture en Tunisie.
Du nom du syndicaliste et de l'homme politique tunisien qui a notamment oeuvré pour l'émancipation des femmes, le Club Tahar Haddad a eu comme membre fondatrice et première présidente la journaliste Jalila Hafsia pendant plus de 30 ans.
Ce haut lieu de la culture berce la Médina par ses rencontres, ses concerts, ses clubs mais aussi ses conférences, ses expositions et tant d'autres événements.
Dans le cadre des "vendredis de la Médina", le HuffPost Tunisie est allé à la rencontre de Gharbi Maaouia, directeur depuis près de 3 ans de ce lieu culturel par excellence situé en plein coeur de la Médina. Interview.
HuffPost Tunisie: Depuis quelques années, la Médina se rythme de plus en plus culturellement. Vous qui êtes directeur du Club culturel, avez-vous vu une évolution de la scène culturelle de la Médina?
Gharbi Maaouia: Il faut d'abord définir ce qu'est une évolution culturelle.
Pour ma part, la chose la plus importante, c'est l'affluence du public et principalement des jeunes. Quand on fait une programmation avec mon équipe, la première chose à laquelle on pense, c'est comment accueillir les jeunes.
Les concernant, on voit une évolution. Avant, ils venaient se rencontrer, ils attendaient qu'on leur propose quelque chose. Maintenant ce n'est plus le cas, les jeunes ne viennent qu'aux événements qu'ils organisent eux-mêmes. Quand c'est nous qui prenons la peine d'organiser un événement, ils ne viennent pas ou vraiment très peu d'entre eux.
Pourquoi?
En fait, il existe toujours ce "complexe" de l'institution, même si nous avons d'excellentes relations avec les jeunes et qu'on les laisse s'approprier les lieux. Mais il y a toujours l'idée que ça appartient à une institution, que c'est le ministère de la Culture (NDLR: qui est le ministère de tutelle) qui organise les événements (que propose le club).
Mais ce qui est bien c'est qu'aujourd'hui, de plus en plus de jeunes organisent leur propres événements comme par exemple la session de slam ou "Sayidat El Kalimat". Nous, on leur donne un local, un peu de matériel avec les modestes moyens qu'on a et du temps, et eux ils créent et s'occupent du reste: Ils font les affiches, ils font le community management, la communication... et le résultat est là puisqu'il y a affluence, que des débats se font et que des espaces de liberté se créent.
On retrouve justement cette évolution, elle est spontanée. Et nous, on essaye juste de cadrer un petit peu tout ça, de donner des conseils, de sensibiliser ces jeunes mais pas de leur imposer les choses.
Indépendamment des jeunes, qui s'approprient les lieux, il existe aussi des "anciens" qui perpétuent également une certaine tradition depuis la création du centre?
Effectivement, le Club a aussi un autre aspect hérité de son histoire, de son esprit et qui sont les élites qui ont traversé l'histoire du Club depuis les années 1970-1980 à ce jour ainsi que le club du Maalouf qui, en plus de 40 d'existence, n'a jamais interrompu ses activités.
Il y a donc une autre partie du public qui est plus "âgée" qui a encore confiance en ce Club et qui vient ici pour d'autres activités que l'on propose comme par exemple les conférences, les débats.
Et de voir un public aussi hétéroclite crée aussi le charme de ce lieu.
Peut-on dire que le Club est en quelque sorte "Médina-centré" ou au contraire, les gens y affluent de partout?
Les gens viennent de partout et généralement de l'extérieur de la Médina, sauf pour un public bien particulier: Les enfants. Eux, ils viennent de la Médina car ils n'ont aucun autre espace qui leur est dédié.
D'ailleurs, même nous on n'a pas les moyens d'accueillir tous les enfants de la Médina.
Le dimanche, on organise trois clubs -pour lesquels on a des moyens limités- pour les enfants: 2 clubs de dessins, de danse, de chants, et un club de lecture. On essaye de faire en sorte que chacun des clubs ne dépasse les 15-20 enfants sinon ça serait ingérable pour nous et non ludique pour eux.
Pour revenir à votre question, outre les enfants, les autres personnes qu'elles soient jeunes ou moins jeunes qui viennent au Club sont des passionnés de la Médina mais qui pour la plupart n'habitent pas ici.
Qu'est ce qui manque aujourd'hui au Club Tahar Haddad pour rayonner plus fort encore sur et en dehors de la Médina?
Par définition, un Centre culturel ou un lieu culturel a pour objectif de réussir à s'intégrer dans son environnement. Et quand je vois ce Club qui crée ici une pépinière culturelle c'est ce qui est attendu.
Mais ce qui manque aujourd'hui au Club Tahar Haddad se résume en un seul mot: Indépendance.
C'est-à-dire que le Club prenne son indépendance du ministère des Affaires culturelles?
Non, ça ne veut pas dire prendre notre indépendance totale vis-à-vis du ministère des Affaires culturelles, mais il n'est pas normal qu'une maison de la culture qui a besoin du minimum en matière de fournitures comme par exemple de la pâte à modeler, ne puisse pas l'acheter directement. Pour pouvoir l'acheter, il faut que j'envoie une correspondance au commissariat régional à la Culture du gouvernorat de Tunis, chez nous tout est centralisé, on souffre à cause de la bureaucratie profonde.
Par exemple, si demain il y a une fuite au lavabo, je ne pourrai pas payer les réparations, à moins que ce ne soit de mon argent propre, d'ailleurs c'est ce qui se passe. Aujourd'hui, le directeur du Club n'a ni régie, ni fonds, ni rien de tout ça.
Encore un autre exemple bien pire. Vous pensez que la facture d'internet est au nom du Club Tahar Haddad? Eh ben non, elle est au nom du commissariat régional à la Culture du gouvernorat de Tunis, quicentralise les factures de près de 40 institutions culturelles et paye pour elles. Et s'il ne paye pas, la connexion coupera pour ces 40 institutions. On a eu droit parfois à 2 ou 3 mois sans connexion.
Même quand on reçoit une personnalité et qu'on veut lui offrir un bouquet de fleurs, on doit remplir un formulaire pour expliquer le pourquoi du comment et généralement on ne nous le rembourse même pas.
La Culture a besoin de beaucoup de souplesse et ce n'est pas le cas aujourd'hui. Un jeune, si on est pas vif avec lui et qu'on anticipe pas ses besoins, laisse tomber et se met à détester l'institutionnalisation.
Du nom du syndicaliste et de l'homme politique tunisien qui a notamment oeuvré pour l'émancipation des femmes, le Club Tahar Haddad a eu comme membre fondatrice et première présidente la journaliste Jalila Hafsia pendant plus de 30 ans.
Ce haut lieu de la culture berce la Médina par ses rencontres, ses concerts, ses clubs mais aussi ses conférences, ses expositions et tant d'autres événements.
Dans le cadre des "vendredis de la Médina", le HuffPost Tunisie est allé à la rencontre de Gharbi Maaouia, directeur depuis près de 3 ans de ce lieu culturel par excellence situé en plein coeur de la Médina. Interview.
HuffPost Tunisie: Depuis quelques années, la Médina se rythme de plus en plus culturellement. Vous qui êtes directeur du Club culturel, avez-vous vu une évolution de la scène culturelle de la Médina?
Gharbi Maaouia: Il faut d'abord définir ce qu'est une évolution culturelle.
Pour ma part, la chose la plus importante, c'est l'affluence du public et principalement des jeunes. Quand on fait une programmation avec mon équipe, la première chose à laquelle on pense, c'est comment accueillir les jeunes.
Les concernant, on voit une évolution. Avant, ils venaient se rencontrer, ils attendaient qu'on leur propose quelque chose. Maintenant ce n'est plus le cas, les jeunes ne viennent qu'aux événements qu'ils organisent eux-mêmes. Quand c'est nous qui prenons la peine d'organiser un événement, ils ne viennent pas ou vraiment très peu d'entre eux.
Pourquoi?
En fait, il existe toujours ce "complexe" de l'institution, même si nous avons d'excellentes relations avec les jeunes et qu'on les laisse s'approprier les lieux. Mais il y a toujours l'idée que ça appartient à une institution, que c'est le ministère de la Culture (NDLR: qui est le ministère de tutelle) qui organise les événements (que propose le club).
Mais ce qui est bien c'est qu'aujourd'hui, de plus en plus de jeunes organisent leur propres événements comme par exemple la session de slam ou "Sayidat El Kalimat". Nous, on leur donne un local, un peu de matériel avec les modestes moyens qu'on a et du temps, et eux ils créent et s'occupent du reste: Ils font les affiches, ils font le community management, la communication... et le résultat est là puisqu'il y a affluence, que des débats se font et que des espaces de liberté se créent.
On retrouve justement cette évolution, elle est spontanée. Et nous, on essaye juste de cadrer un petit peu tout ça, de donner des conseils, de sensibiliser ces jeunes mais pas de leur imposer les choses.
Indépendamment des jeunes, qui s'approprient les lieux, il existe aussi des "anciens" qui perpétuent également une certaine tradition depuis la création du centre?
Effectivement, le Club a aussi un autre aspect hérité de son histoire, de son esprit et qui sont les élites qui ont traversé l'histoire du Club depuis les années 1970-1980 à ce jour ainsi que le club du Maalouf qui, en plus de 40 d'existence, n'a jamais interrompu ses activités.
Il y a donc une autre partie du public qui est plus "âgée" qui a encore confiance en ce Club et qui vient ici pour d'autres activités que l'on propose comme par exemple les conférences, les débats.
Et de voir un public aussi hétéroclite crée aussi le charme de ce lieu.
Peut-on dire que le Club est en quelque sorte "Médina-centré" ou au contraire, les gens y affluent de partout?
Les gens viennent de partout et généralement de l'extérieur de la Médina, sauf pour un public bien particulier: Les enfants. Eux, ils viennent de la Médina car ils n'ont aucun autre espace qui leur est dédié.
D'ailleurs, même nous on n'a pas les moyens d'accueillir tous les enfants de la Médina.
Le dimanche, on organise trois clubs -pour lesquels on a des moyens limités- pour les enfants: 2 clubs de dessins, de danse, de chants, et un club de lecture. On essaye de faire en sorte que chacun des clubs ne dépasse les 15-20 enfants sinon ça serait ingérable pour nous et non ludique pour eux.
Pour revenir à votre question, outre les enfants, les autres personnes qu'elles soient jeunes ou moins jeunes qui viennent au Club sont des passionnés de la Médina mais qui pour la plupart n'habitent pas ici.
Qu'est ce qui manque aujourd'hui au Club Tahar Haddad pour rayonner plus fort encore sur et en dehors de la Médina?
Par définition, un Centre culturel ou un lieu culturel a pour objectif de réussir à s'intégrer dans son environnement. Et quand je vois ce Club qui crée ici une pépinière culturelle c'est ce qui est attendu.
Mais ce qui manque aujourd'hui au Club Tahar Haddad se résume en un seul mot: Indépendance.
C'est-à-dire que le Club prenne son indépendance du ministère des Affaires culturelles?
Non, ça ne veut pas dire prendre notre indépendance totale vis-à-vis du ministère des Affaires culturelles, mais il n'est pas normal qu'une maison de la culture qui a besoin du minimum en matière de fournitures comme par exemple de la pâte à modeler, ne puisse pas l'acheter directement. Pour pouvoir l'acheter, il faut que j'envoie une correspondance au commissariat régional à la Culture du gouvernorat de Tunis, chez nous tout est centralisé, on souffre à cause de la bureaucratie profonde.
Par exemple, si demain il y a une fuite au lavabo, je ne pourrai pas payer les réparations, à moins que ce ne soit de mon argent propre, d'ailleurs c'est ce qui se passe. Aujourd'hui, le directeur du Club n'a ni régie, ni fonds, ni rien de tout ça.
Encore un autre exemple bien pire. Vous pensez que la facture d'internet est au nom du Club Tahar Haddad? Eh ben non, elle est au nom du commissariat régional à la Culture du gouvernorat de Tunis, quicentralise les factures de près de 40 institutions culturelles et paye pour elles. Et s'il ne paye pas, la connexion coupera pour ces 40 institutions. On a eu droit parfois à 2 ou 3 mois sans connexion.
Même quand on reçoit une personnalité et qu'on veut lui offrir un bouquet de fleurs, on doit remplir un formulaire pour expliquer le pourquoi du comment et généralement on ne nous le rembourse même pas.
La Culture a besoin de beaucoup de souplesse et ce n'est pas le cas aujourd'hui. Un jeune, si on est pas vif avec lui et qu'on anticipe pas ses besoins, laisse tomber et se met à détester l'institutionnalisation.
Retrouvez les articles du HuffPost Tunisie sur notre page Facebook.