INTERNATIONAL - Le Parlement et le mausolée de Khomeiny: deux symboles forts du patrimoine iranien ont été pris pour cibles ce jeudi 7 juin par Daech. L'attaque, qui a fait au moins 12 morts et une quarantaine de blessés, est un fait de violence rare dans le pays, jusqu'à présent "épargné" par l'organisation terroriste.
L'attaque de ce jeudi est en effet une première pour Daech, qui, jusqu'à ce jour, n'avait jamais attaqué les métropoles d'Iran, même si certaines régions proches des frontières avec l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan ont déjà été ciblées par des groupes jihadistes armés.
Mais en mars, la donne a changé. Dans une vidéo, le groupe terroriste s'en est directement pris à Téhéran et à l'ayatollah Ali Khamenei (chef religieux suprême du pays), affirmant qu'il allait "conquérir l'Iran et le rendre à la nation musulmane sunnite" et provoquer un bain de sang chez les chiites, majoritaires dans le pays et ciblés par les terroristes.
"Fer de lance du terrorisme mondial" pour l'Arabie Saoudite, le président américain Donald Trump et leurs alliés d'un côté, mais aussi ennemi de premier plan de Daech de l'autre et très impliqué dans la lutte contre le terrorisme dans la région, la place de l'Iran au sein de ce conflit mondial interpelle.
L'Iran, "fer de lance du terrorisme"?
Au Moyen Orient, l'Iran fait plus au moins cavalier seul. En mai dernier, le roi d'Arabie Saoudite a qualifié le pays de "fer de lance du terrorisme mondial", avant que les alliés de Riyad ne le mettent au ban lors de la récente crise diplomatique entre les pays du Golfe. Et désormais, le pays a un nouvel ennemi, en la personne de Donald Trump.
Lors de sa visite en Arabie Saoudite, le président des Etats-Unis s'en est violemment pris au régime de Téhéran, qu'il a accusé de "soutenir le terrorisme". "En attendant que le régime iranien montre sa volonté d'être un partenaire dans la paix, toutes les nations dotées d'un sens des responsabilités doivent travailler ensemble pour l'isoler", a déclaré le locataire de la Maison Blanche.
"Le président américain a fait un amalgame entre Daech, Al Qaïda, et l'Iran, et il a quasiment appelé à un changement de régime à Téhéran, marquant une rupture brutale avec les années Obama", analyse Denis Bauchard, chercheur à l'Institut français des relations internationales.
L'Iran, soutien de taille pour la Syrie et l'Irak contre Daech
En dépit de la ligne dure adoptée par les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, l'Iran peut cependant compter sur quelques alliés régionaux et internationaux. La Syrie, tout d'abord, où Téhéran soutient militairement le régime de Bachar al-Assad contre l'opposition et le groupe Etat Islamique. Fin 2016, on estimait qu'entre 10.000 et 15.000 soldats sous le contrôle de Téhéran combattaient sur le sol syrien, sous les ordres du discret mais néanmoins très influent général Ghassem Soleimani, chef de l'unité d'élite des gardiens de la révolution, la force Al-Qods. Au-delà de ses intérêts personnels sur place, soutenir le régime al-Assad assure aussi à l'Iran l'estime de la Russie, soutien indéfectible du chef d'Etat syrien. Vladimir Poutine a d'ailleurs reçu fin mars le président iranien Hassan Rohani, afin de discuter des évolutions de la situation sur place.
Dans la région, l'Iran peut également compter sur l'amitié de l'Irak, qu'il appuie militairement dans la lutte contre le groupe jihadiste sunnite. Car en dépit de l'exclusion de Téhéran de toutes les coalitions (internationale et arabe) de lutte contre le terrorisme, des conseillers militaires et des volontaires iraniens mais aussi afghans et pakistanais épaulent au quotidien les armées irakienne et syrienne sur terrain.
Dès 2014, le ministre des affaires étrangères irakien Ibrahim Al-Jaafari a d'ailleurs assumé haut et fort ce partenariat: "Nous n'avons aucune peur de dire que nous avons sollicité notre voisin, l'Iran, dans la guerre contre Daech", avait-il déclaré, tandis que son homologue iranien se félicitait que l'Iran "ait rempli ses engagements", contrairement aux "Occidentaux, qui promettent des choses sans les faire".
En décembre 2014, le Pentagone a ainsi annoncé que des avions de chasse iranien avaient frappé des positions terroristes en Irak, information que n'avait pas démentie par Téhéran. Et depuis 2016, quelques centaines de miliciens chiites des forces Al-Qods sont présents à la frontière irako-iranienne.
L'Iran, une "forteresse" qui se veut impénétrable
Les autorités iraniennes ont une bonne raison de s'attaquer aussi fermement au terrorisme régional: la frontière de 1500 kilomètres de long qui sépare le pays de l'Irak représente une zone stratégique, dont le groupe Etat Islamique aimerait bien s'emparer afin d'encercler et d'infiltrer l'Iran. Pour empêcher toute intrusion sur son territoire, les forces iraniennes ont donc très tôt coopéré avec leurs voisins irakiens, confiant cette mission délicate au général Soleimani.
Les autorités iraniennes ont aussi multiplié les mises en garde à l'égard de l'organisation terroriste. "Daech n'a pas le pouvoir ni la capacité de menacer les frontières iraniennes, et nous ne reconnaissons pas ce groupe comme une menace pour nous, car la présence (et l'expansion) de Daech ne sera jamais tolérée par la société iranienne", affirmait avec force le ministre iranien de la défense General Hossein Dehqan en mai 2015.
Un mois plus tard, c'était au tour de l'ayatollah Ali Khamenei de lancer un avertissement: "J'ai entendu dire que certains, pas tous mais certains, des officiers faibles d'esprit de la région du Golfe Persique essayent d'amener la guerre à proximité des frontières iraniennes. Ils devraient savoir que s'ils causent le moindre trouble, la réaction de la République Islamique sera extrêmement sévère".
Dans les jours qui ont suivi, les autorités iraniennes ont fait état de plusieurs attaques terroristes déjouées dans le pays, avant d'établir une "zone tampon" de 40 kilomètres à la frontière avec l'Irak. Une ligne rouge à ne pas franchir pour les terroristes, sous peine de réponses sévères.
Cette stratégie défensive sera-t-elle efficace durablement face aux organisations terroristes? L'attaque de ce jeudi 7 juin contre une représentation du pouvoir gouvernemental et un symbole religieux concrétise les menaces exprimées dans la vidéo de mars 2017. Mais elle semble aussi confirmer les prévisions des spécialistes: acculée dans ses fiefs de Mossoul et Raqa, l'organisation terroriste pourrait "se transformer, de nouveau, en groupe terroriste traditionnel dont les membres vont infiltrer les sociétés et agir ponctuellement à travers des opérations terroristes classiques", analyse ainsi le journaliste Mohamed Sifaoui, dans un message publié ce jeudi matin sur sa page Facebook.
L'attaque de ce jeudi est en effet une première pour Daech, qui, jusqu'à ce jour, n'avait jamais attaqué les métropoles d'Iran, même si certaines régions proches des frontières avec l'Irak, l'Afghanistan et le Pakistan ont déjà été ciblées par des groupes jihadistes armés.
Mais en mars, la donne a changé. Dans une vidéo, le groupe terroriste s'en est directement pris à Téhéran et à l'ayatollah Ali Khamenei (chef religieux suprême du pays), affirmant qu'il allait "conquérir l'Iran et le rendre à la nation musulmane sunnite" et provoquer un bain de sang chez les chiites, majoritaires dans le pays et ciblés par les terroristes.
"Fer de lance du terrorisme mondial" pour l'Arabie Saoudite, le président américain Donald Trump et leurs alliés d'un côté, mais aussi ennemi de premier plan de Daech de l'autre et très impliqué dans la lutte contre le terrorisme dans la région, la place de l'Iran au sein de ce conflit mondial interpelle.
L'Iran, "fer de lance du terrorisme"?
Au Moyen Orient, l'Iran fait plus au moins cavalier seul. En mai dernier, le roi d'Arabie Saoudite a qualifié le pays de "fer de lance du terrorisme mondial", avant que les alliés de Riyad ne le mettent au ban lors de la récente crise diplomatique entre les pays du Golfe. Et désormais, le pays a un nouvel ennemi, en la personne de Donald Trump.
Lors de sa visite en Arabie Saoudite, le président des Etats-Unis s'en est violemment pris au régime de Téhéran, qu'il a accusé de "soutenir le terrorisme". "En attendant que le régime iranien montre sa volonté d'être un partenaire dans la paix, toutes les nations dotées d'un sens des responsabilités doivent travailler ensemble pour l'isoler", a déclaré le locataire de la Maison Blanche.
"Le président américain a fait un amalgame entre Daech, Al Qaïda, et l'Iran, et il a quasiment appelé à un changement de régime à Téhéran, marquant une rupture brutale avec les années Obama", analyse Denis Bauchard, chercheur à l'Institut français des relations internationales.
Avis aux complotistes d 2camps : l'#EI frappe l'#Iran, qui n'est donc pas son allié, & non ce n'est pas l'Arabie Saoudite qui manipule l'EI
— Wassim Nasr (@SimNasr) June 7, 2017
L'Iran, soutien de taille pour la Syrie et l'Irak contre Daech
En dépit de la ligne dure adoptée par les Etats-Unis et l'Arabie Saoudite, l'Iran peut cependant compter sur quelques alliés régionaux et internationaux. La Syrie, tout d'abord, où Téhéran soutient militairement le régime de Bachar al-Assad contre l'opposition et le groupe Etat Islamique. Fin 2016, on estimait qu'entre 10.000 et 15.000 soldats sous le contrôle de Téhéran combattaient sur le sol syrien, sous les ordres du discret mais néanmoins très influent général Ghassem Soleimani, chef de l'unité d'élite des gardiens de la révolution, la force Al-Qods. Au-delà de ses intérêts personnels sur place, soutenir le régime al-Assad assure aussi à l'Iran l'estime de la Russie, soutien indéfectible du chef d'Etat syrien. Vladimir Poutine a d'ailleurs reçu fin mars le président iranien Hassan Rohani, afin de discuter des évolutions de la situation sur place.
Dans la région, l'Iran peut également compter sur l'amitié de l'Irak, qu'il appuie militairement dans la lutte contre le groupe jihadiste sunnite. Car en dépit de l'exclusion de Téhéran de toutes les coalitions (internationale et arabe) de lutte contre le terrorisme, des conseillers militaires et des volontaires iraniens mais aussi afghans et pakistanais épaulent au quotidien les armées irakienne et syrienne sur terrain.
Dès 2014, le ministre des affaires étrangères irakien Ibrahim Al-Jaafari a d'ailleurs assumé haut et fort ce partenariat: "Nous n'avons aucune peur de dire que nous avons sollicité notre voisin, l'Iran, dans la guerre contre Daech", avait-il déclaré, tandis que son homologue iranien se félicitait que l'Iran "ait rempli ses engagements", contrairement aux "Occidentaux, qui promettent des choses sans les faire".
En décembre 2014, le Pentagone a ainsi annoncé que des avions de chasse iranien avaient frappé des positions terroristes en Irak, information que n'avait pas démentie par Téhéran. Et depuis 2016, quelques centaines de miliciens chiites des forces Al-Qods sont présents à la frontière irako-iranienne.
L'Iran, une "forteresse" qui se veut impénétrable
Les autorités iraniennes ont une bonne raison de s'attaquer aussi fermement au terrorisme régional: la frontière de 1500 kilomètres de long qui sépare le pays de l'Irak représente une zone stratégique, dont le groupe Etat Islamique aimerait bien s'emparer afin d'encercler et d'infiltrer l'Iran. Pour empêcher toute intrusion sur son territoire, les forces iraniennes ont donc très tôt coopéré avec leurs voisins irakiens, confiant cette mission délicate au général Soleimani.
Les autorités iraniennes ont aussi multiplié les mises en garde à l'égard de l'organisation terroriste. "Daech n'a pas le pouvoir ni la capacité de menacer les frontières iraniennes, et nous ne reconnaissons pas ce groupe comme une menace pour nous, car la présence (et l'expansion) de Daech ne sera jamais tolérée par la société iranienne", affirmait avec force le ministre iranien de la défense General Hossein Dehqan en mai 2015.
Un mois plus tard, c'était au tour de l'ayatollah Ali Khamenei de lancer un avertissement: "J'ai entendu dire que certains, pas tous mais certains, des officiers faibles d'esprit de la région du Golfe Persique essayent d'amener la guerre à proximité des frontières iraniennes. Ils devraient savoir que s'ils causent le moindre trouble, la réaction de la République Islamique sera extrêmement sévère".
Dans les jours qui ont suivi, les autorités iraniennes ont fait état de plusieurs attaques terroristes déjouées dans le pays, avant d'établir une "zone tampon" de 40 kilomètres à la frontière avec l'Irak. Une ligne rouge à ne pas franchir pour les terroristes, sous peine de réponses sévères.
Ce pays est très sécurisé 1forteresse au milieu du chaos Du Moyen orient. Ce qu'il se passe auj montre que nous rentrons ds nouvelle ère
— Mariam Pirzadeh (@mapirzadeh) June 7, 2017
Cette stratégie défensive sera-t-elle efficace durablement face aux organisations terroristes? L'attaque de ce jeudi 7 juin contre une représentation du pouvoir gouvernemental et un symbole religieux concrétise les menaces exprimées dans la vidéo de mars 2017. Mais elle semble aussi confirmer les prévisions des spécialistes: acculée dans ses fiefs de Mossoul et Raqa, l'organisation terroriste pourrait "se transformer, de nouveau, en groupe terroriste traditionnel dont les membres vont infiltrer les sociétés et agir ponctuellement à travers des opérations terroristes classiques", analyse ainsi le journaliste Mohamed Sifaoui, dans un message publié ce jeudi matin sur sa page Facebook.
Évitons le triomphalisme face aux défaites de Daesh, concentrons-nous sur la menace : le djihadisme survivra à Daesh pic.twitter.com/FmwGfi4N7r
— Mohamed Sifaoui (@Sifaoui) June 7, 2017
Retrouvez les articles du HuffPost Tunisie sur notre page Facebook.